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Le rôle de l’Huissier de Justice au sein de la procédure civile française : son intérêt

Quels avantages apporte la présence d’un huissier de justice – officier public et ministériel agissant dans le cadre d’un statut de type libéral - pour le système judiciaire d’un Etat ? Tous les systèmes judiciaires modernes poursuivent deux objectifs complémentaires : la recherche de la justice, d’une part, et l’efficacité du système, d’autre part. Loin d’être contradictoires, ses deux objectifs se complètent réciproquement :

-         la justice doit en effet, avant tout, être juste. La recherche de la réponse appropriée, et conforme au droit, à la question juridique posée au juge représente en effet la finalité principale de tout système judiciaire. Si la rapidité de la décision est évidemment une priorité pour tous les systèmes judiciaires modernes, elle s’explique justement parce qu’il ne faut pas qu’un retard dans le fonctionnement du système judiciaire prive les justiciables de leur droit « à obtenir justice ». Ce principe est inscrit profondément dans la tradition juridique occidentale (depuis le droit romain on définit le droit comme « ius est ars boni et aequi » : le droit est l’art – que l’on apprend et que l’on met ensuite en pratique – de la recherche de l’harmonie entre le bien et l’équité, donc de la justice), mais il est la manifestation de valeurs universelles, exprimées par les droits du citoyen ;

-         du point de vue de la politique judiciaire, la recherche de la justice ne suffit pas. En effet, tous les systèmes modernes s’efforcent  de mettre à la disposition des citoyens des méthodes de résolution de leur différends, performantes et efficace. L’efficacité du système judiciaire devient ainsi un élément capital de soutient à l’activité économique et un élément indispensable à l’épanouissement de la société fondée sur une économie de marché.

La présence d’un huissier de justice fondé sur un statut libéral répond à ces deux finalités.


 

I.                    L’huissier de justice et la recherche d’une justice « juste ».

La conception française du procès, que celui-ci soit civil ou pénal, est organisée autour de plusieurs grands principes directeurs dont l’héritage remonte à la pensée philosophique du siècle des Lumières.

Ces grandes notions organisent le rôle et la place de chacun au sein du procès (demandeur, défendeur, juge mais aussi tiers). Elles ont vocation à garantir le droit pour chaque citoyen de saisir le juge, de lui présenter ses demandes et de lui demander l’application d’un droit dont il revendique le bénéfice (droit d’accès au juge). Elles ont également vocation à permettre à son adversaire de contester la réalité du droit dont il se prévaut et de pouvoir répondre de façon utile et efficace à ses prétentions (droit de la défense). Par ailleurs, un autre grand principe directeur (postérieur au procès, celui-ci) a vocation à assurer, une fois le droit dit par le juge, l’application concrète de la décision de justice prononcée (droit à l’exécution).

Ces exigences de garantie du droit d’accès au juge, du droit à la défense et du droit à l’exécution  font toutes parties du principe plus général du droit à un procès équitable et traduisent en réalité une philosophie politique : la justice est un pouvoir régalien dont seul l’Etat est titulaire. Celui-ci doit donc mettre en place des moyens destinés d’une part à assurer la réalité du droit d’accès au juge et du droit de la défense de façon efficace, afin d’éviter que les citoyens se détournent de la justice étatique au profit d’une justice privée incontrôlable. D’autre part, et pour les mêmes raisons, l’Etat doit asseoir son autorité en assurant l’application des décisions, tant il est vrai qu’une justice inappliquée est une justice inutile.  C’est donc de façon naturelle que l’Etat charge un de ces « représentants », l’huissier de Justice, officier public et ministériel délégataire d’une parcelle de l’autorité publique, d’assurer le respect de plusieurs de ces grands principes directeurs de la justice.

L’Huissier de Justice, pilier de l’institution judiciaire, bras armé de la Justice,  prend ainsi place au centre de la garantie du droit au procès équitable et du droit d’accès au juge :

-         l’huissier de justice a la charge de  remettre aux parties les pièces essentielles de la procédure, et d’attester que ces pièces ont bien étés remises. En effet, certains actes de procédures particulièrement importants doivent être portés à la connaissance de leurs destinataires de façon certaine. Il peut s’agir notamment des pièces informant une partie qu’une action en justice a été introduite à leur encontre ou même qu’un jugement a été rendu à leur encontre. Seule la réelle prise de connaissance de ces informations peut en effet permettre à leurs destinataires d’y répondre de manière adéquate (présenter leur défense, utiliser des voies de recours, exécuter le jugement rendu à leur encontre…). Il convient donc d’assurer une communication réelle et sûre de ces actes.

L’huissier de justice offre, de ce point de vue, l’avantage évident de se déplacer au domicile du destinataire de l’acte, ce qui garantit au juge que l’acte a bien été délivré et d’autre part permet au destinataire de l’acte de recevoir des explications quant à la procédure dans laquelle il est engagé ; le principe du contradictoire est donc pleinement respecté ;

La signification des actes est exercée à titre monopolistique par les huissiers de Justice[1]. Il s’agit d’un mode de transmission des actes strictement encadré par la loi[2].

                • Signification à personne[3] : Il s’agit du principe. L’huissier de justice doit tout mettre en œuvre pour délivrer l’acte entre les mains même de son destinataire. Ce n’est qu’en cas d’impossibilité manifeste et en justifiant de cette impossibilité qu’il pourra procéder par une autre forme de signification. L’huissier doit ainsi mentionner dans ses actes, les recherches qu’il a effectuées et démontrer que la délivrance de l’acte à la personne elle-même était impossible.

                Signification à domicile ou à résidence[4] : si une personne autre que le destinataire est présente au domicile de ce dernier, il devra lui remettre l’acte sous pli fermé et déposer un avis de passage dans la boite aux lettres[5]. Il devra en outre adresser une lettre simple au destinataire, comportant les mêmes mentions.

                Dépôt à l’étude : Si personne n’est présent ou ne veut accepter de prendre l’acte, l’huissier de justice devra déposer un avis de passage informant que l’acte doit être retiré en son office sous trois mois . Il devra en outre adresser une lettre simple au destinataire, comportant les mêmes mentions.

                Recherche infructueuse : Lorsque le destinataire n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Il doit adresser une copie de ce procès-verbal à la dernière adresse connue du destinataire[6].

Cette hiérarchisation des différents modes de signification des actes joue un rôle primordial en matière de garantie des droits de la défense et va induire des conséquences très importantes sur la suite de la procédure. Ainsi, par exemple, les voies de recours contre une décision de justice peuvent différer selon que l’assignation en justice a été ou non signifiée à la personne même de son destinataire (la voie d’opposition qui permet au défendeur qui n’a pas été cité à personne et qui n’a pas comparu de faire rejuger l’affaire devant la même juridiction, sera ainsi fermée ou ouverte).

Les incidences processuelles sont nombreuses, la signification étant souvent le point de départ de différents délais (recours, point de départ des intérêts, caducité….)

C’est à l’huissier de justice, qui exerce un rôle de conseil, de qualifier les décisions qu’il signifie et d’indiquer les différentes voies de recours qui sont ouvertes au défendeur. L’huissier de justice se doit donc d’être un excellent juriste, connaissant chaque arcane de la procédure civile.

-         par ailleurs, l’huissier de justice dispose du monopole de l’exécution forcée, ce qui signifie que tout acte d’exécution doit être réalisé par lui.

L’exécution des décisions est une condition sine qua non de la crédibilité de l’institution judiciaire, du législateur et, a fortiori, de l’Etat.

La possibilité de mise en œuvre effective de droits reconnus judiciairement est à ce titre un enjeu politique considérable. Rien ne sert de mettre en œuvre une garantie de droit d’accès au juge, de droit du procès équitable si, au final, la décision n’est pas exécutée. Le droit à l’exécution des décisions de justice fait à ce titre partie intégrante du principe directeur du droit à un procès équitable[7].Pour ce faire, il dispose de nombreux moyens, légalement encadrés, tant au niveau de la recherche des informations lui permettant d’assurer cette mission, qu’au niveau des moyens de mise en œuvre matérielles d’outils d’exécution. De cette façon, l’Etat est sûr que l’exécution forcée et l’autorité de la force publique seront exercées dans le plein respect de la loi.  Par ailleurs, il convient de noter que l’Huissier de Justice exerce des activités complémentaires, directement liées à son statut d’officier public et ministériel qui lui accorde une garantie de probité et d’impartialité. Il peut par exemple organiser la vente volontaire aux enchères des meubles corporels.

Pour accomplir leur mission en matière d’exécution forcée, les huissiers de justice français ont divers moyens mis à leur disposition et strictement encadrés par la loi du 9 juillet 1991 et son décret d’application du 31 juillet 1992.

Les huissiers de justice ont le choix des mesures qu’ils peuvent mettre en œuvre en fonction des situations qui se présentent à eux.

S’ils ont entre leurs mains un titre exécutoire (Décision de justice passée en force exécutoire, acte notarié, conventions homologuée par le juge, et autres actes strictement énumérés par la loi) qui leur a été délivré par un créancier, ils peuvent ainsi procéder à l’exécution du droit reconnu par ce titre, par le biais de diverses procédures strictement encadrées (saisie de compte bancaire, saisie de rémunération entre les mains de l’employeur, saisie et vente des meubles du débiteur, saisie des immeubles du débiteur, expulsion des locataires, etc.).

L’huissier de justice peut également intervenir en amont : si le créancier ne possède pas encore de titre exécutoire, mais que la créance n’est pas contestable et qu’il existe un risque de non paiement de celle-ci, l’huissier de justice, si le juge l’y autorise, peut procéder à des mesures conservatoires qui consisteront, le plus souvent, à « geler » la créance, à la rendre indisponible, pour éviter que le débiteur ne puisse organiser son insolvabilité en attendant l’obtention d’un titre.

Pour mener à bien ces différentes missions, l’Huissier de justice peut (et doit, dans certains cas), faire appel à la force publique qui sera chargée de l’assister pendant l’exécution de ces opérations (saisie des meubles au domicile du débiteur, expulsion…)

De plus, l’huissier de justice dispose de moyens de recherches de différentes informations. L’exécution suppose en effet de connaître les éléments qui constituent le patrimoine du débiteur.

L’huissier de justice qui a déjà tenté sans succès de retrouver la trace d’un débiteur peut ainsi saisir le procureur de la République d’une demande de recherche d’information sur celui-ci (adresse du débiteur, adresse de son employeur).

Il a également la faculté d’interroger de nombreuses sources (organismes et fichiers nationaux, afin par exemple de connaître les comptes bancaires du débiteur, organismes sociaux et professionnels.

Cette recherche des informations est strictement encadrée afin d’assurer le respect du droit à la vie privée du débiteur. La recherche des information est ainsi gouvernée par différent principes : L’huissier de justice ne doit pas obtenir plus d’informations que celles strictement nécessaire. Il ne doit bien sûr pas les utiliser à d’autres fins que celles pour lesquels il les a solliciter.

A ce titre, un certain équilibre est trouvé en France entre deux droits fondamentaux a priori contradictoires : la protection de la vie privée du débiteur d’une part, et le droit à l’exécution des décisions de justice d’autre part.

II. L’huissier de justice et l’efficacité de la justice.

Tous les systèmes judiciaires contemporains font de l’efficacité de la justice un élément capital des réformes qu’ils entreprennent. Or, l’efficacité d’un système judiciaire se mesure généralement par la capacité d’un Etat d’allouer des sources de financement suffisantes au fonctionnement public de la justice pour assurer l’accomplissement de ses tâches dans les plus brefs délais, ce qui impose la mise en œuvre de processus de rationalisation du processus judiciaires par une redistribution des rôles au sein des acteurs judiciaires. En particulier, l’accroissement de la masse du contentieux judiciaire impose que la mission du juge se concentre uniquement sur les questions qui relèvent du contentieux (dans lesquelles il doit « dire le droit ») en laissant à d’autres acteurs judiciaires le soin d’accomplir les tâches qui ne relèvent pas de cette catégorie. De ce point de vue, l’huissier de justice fonctionnant selon un statut libéral offre des avantages indéniables, que le droit français illustre parfaitement :

-          la déjudiciarisation  partielle  de la procédure d’exécution.  En droit français, la procédure d’exécution, lorsqu’elle se déroule sans incidents, ne nécessite pas l’intervention du juge ; par ailleurs, afin d’augmenter l’efficacité du système, toutes les difficultés relatives à l’exécution sont soumises à un seul magistrat, le juge de l’exécution ;

-         la déjudiciarisation complète de certaines procédures de recouvrement : dans le cas de l’émission d’un chèque sans provision, le recouvrement ne pose pas de difficultés juridiques majeures ; il s’agit simplement de mettre en place une procédure rapide permettant au créancier d’obtenir dans les plus brefs délais le montant de sa créance. Pour cette raison, le législateur français a prévu une procédure particulière, qui permet au créancier d’obtenir le recouvrement du chèque sans avoir la nécessité de s’adresser au juge pour obtenir un titre exécutoire judiciaire. L’huissier de justice peut en effet dans ce cas délivrer un titre exécutoire, dès lors que le créancier a présenté inutilement à la banque deux fois le chèque à 30 jours d’intervalle.

-         La déjudiciarisation partielle de la procédure de recouvrement des créances fondées sur l’existence d’un contrat : l’huissier de justice peut dans ce cas contrôler toute la procédure depuis l’obtention du titre exécutoire jusqu’à l’exécution de celui-ci. Ainsi dans la procédure d’injonction de payer, le rôle du juge se limite à vérifier l’existence du contrat. Deux millions et demi d’ordonnances d’injonction de payer sont ainsi rendues chaque année en France ; ces économies de temps et de moyens permettent ainsi aux juges de se consacrer à d’autres taches.

 

 

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[1] Aux termes de l’article 1er, al. 1 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice).

[2] Articles 653 à 664 du nouveau Code de procédure civile français.

[3] Article 654 du nouveau Code de procédure civile français.

[4] Article 656 du nouveau Code de procédure civile français

[5] Article 655 du nouveau Code de procédure civile français

[6] Article 655 du nouveau Code de procédure civile français.

[7] Pour une reconnaissance du droit à l’exécution en tant que partie intégrante du procès équitable en droit européen, cf. Cour Européenne des Droits de l'Homme, 19 mars 1997, affaire 107/1995/613/701, Hornsby contre Grèce, JCP G Semaine Juridique (édition générale), n°47 , 19/11/1997  , pp. 507-512, Jurisprudence n° 22950.


 

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