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La force probante de l’acte notarié dans les litiges concernant la propriété intellectuelle sur Internet

Résumé

En cas de besoin, le tribunal est en droit de vérifier, selon la situation concrète de l’environnement informatique, si les informations authentifiées fournies par les parties proviennent réellement d’Internet ou non et de décider, suivant le résultat de la vérification, si ces preuves peuvent servir d’appui au jugement. Ceci parce que du point de vue technique, il est tout à fait possible de créer une page cible sur un ordinateur local, de façon à ce que quand on se connecte à Internet via cet ordinateur, cette page cible simulée coexiste avec d’autres pages réelles. Pour cette raison, au cas où l’acte d’authentification se réaliserait en dehors de l’étude notariale, où l’ordinateur ou le disque dur utilisé par les parties ne serait pas sous le contrôle du notaire, et où l’acte notarié ne mentionnerait pas si la « propreté » de l’ordinateur ou du disque dur en question était vérifiée, la Cour suprême sera en droit de décider que cet acte notarié, même s’il était susceptible de prouver que l’action faisant l’objet de l’authentification est enregistrée en présence du notaire, ne suffit pas pour démontrer que cette action s’est réalisée sur Internet.

 

 

Indexe du procès

No de référence du procès révisé : Cour populaire suprême (2008) MSH. No 926

No de référence du procès en deuxième instance : Tribunal populaire supérieur de la Province de Sichuan (2008), CHMZH No 185

No de référence du procès de première instance : Tribunal populaire intermédiaire de la Ville de Zigong (2007), ZMSCH No 4

 

Fond du procès

Partie réclamante de la révision : NuCom Online International Co., Ltd

Partie défenderesse : CNC Zigong

 

Le film « Crazy Stone » est une co-production réalisée en 2006 par Sifang Yuanchuang International Cinéma & Télévision Co. Ltd (dénommé ci-après « Sifang Yuanchuang »), Warner China Film HG Corporation (dénommé ci-après « Warner China ») et Focus Films Ltd. Le 2 juin 2006, il a obtenu de l’Administration nationale de la Radiodiffusion, du Cinéma et de la Télévision « La licence de la projection cinématographique en public » (No de référence : DSHSH [2006] No 42). En octobre 2006, par une lettre de concession, Focus Films a confirmé le droit exclusif de Warner China pour la diffusion du film « Crazy Stone » sur Internet en Chine continentale. Ce même droit a été reconnu en novembre 2006 par Sifang Yuanchuang sous forme d’un certificat émis par ce dernier. Le 11 juillet 2006, Warner China a concédé, par un mandat écrit, le droit exclusif précité à NuCom Advertising Communication Co., Ltd pour une durée de 3 ans, à dater du jour-même de l’émission dudit document. Le 16 septembre 2006, NuCom Advertising Communication Co., Ltd est devenu NuCom Online Technical Service Co., Ltd, avant de prendre son nom actuel de NuCom Online International Co., Ltd le 9 octobre 2006.

 

Le 12 décembre 2006, LI Yan, mandataire de NuCom Online International, a soumis à l’Etude notariale Shudu de la ville de Chengdu, Province de Sichuan, une demande d’authentification pour la conservation de la preuve. Le 10 février 2007, ladite étude a émis l’acte notarié no 22931, dans lequel est enregistré ceci : le 14 décembre 2006, en présence des notaires de cette étude, LI Yan a allumé son ordinateur et procédé aux opérations suivantes : 1) cliquer sur le bouton « Expert vidéo », puis sur celui qui démarre l’enregistrement ; 2) cliquer sur le navigateur IE, taper « www.zgcnc.net » sur le moteur de recherche du « Système d’enregistrement et d’administration des adresses ICP/IP du Ministère de l’Industrie informatique », le nom entier de l’établissement correspondant à ICP affiché sur l’écran est « CNC Zigong » ; 3) taper « www.zgcnc.net » sur IE pour se connecter à la page d’accueil du site en question, cliquer sur le bouton « Cinéma quotidien » qui se trouve en haut de la page pour se connecter au site « Zigong movie net », l’adresse affichée est « http://www.zgcnc.net/movie/ »;4) taper « Crazy Stone » dans le moteur de recherche thématique qui se trouve à gauche de la page précitée, ensuite cliquer sur l’icône de « Crazy stone » pour accéder à la présentation du film, et cliquer sur le bouton « Episode un » pour en déclencher la diffusion intégrale. Après avoir nommé « Vidéo 2 » le film qu’il avait enregistré, LI Yan l’a conservé dans son disque dur portable, sous le fichier portant le nom de « CNC Zigong : Stone ». En plus, l’acte notarié a aussi enregistré l’ensemble du processus de recherche et de diffusion des films dont « Yesterday Once More » par LI Yan sur le site « www.zgcnc.net ». Celui-ci, après avoir conservé toutes ces vidéos dans son disque dur portable, l’a remis au notaire. Le résultat d’une enquête ultérieure montre que CNC Zigong est le fondateur et l’exploitant de « www.zgcnc.net ». Le 23 mai 2007, NuCom Online International Co., Ltd a lancé, auprès du Tribunal populaire de deuxième instance de la Ville de Zigong, un procès contre CNC Zigong, en l’accusant d’avoir violé son droit exclusif de diffusion du film sur Internet. L’acte notarié no 110182 montre que le 3 juillet 2007, LI Yan, accompagné d’un notaire, a visité la Salle de réception Da’an de CNC, située à côté du Supermarché Da’an Jiuding, au rez-de-chaussée du Building du Magasin Anda, de l’arrondissement Da’an, ville de Zigong. LI Yan a posé des questions concernant le haut débit à un employé, et lui a demandé s’il pouvait trouver le film « Crazy Stone » sur « www.zgcnc.net ». L’employé questionné lui a donné des réponses affirmatives, prétendant qu’il avait même vu ce film sur le site concerné.

 

Jugement des tribunaux locaux

Après avoir examiné le fond du procès, le Tribunal populaire intermédiaire de la Ville de Zigong estime que les preuves fournies par NuCom Online International permettent de justifier son droit exclusif de diffusion du film « Crazy Stone » sur Internet en Chine continentale. NuCom Online International accuse CNC Zigong de lui avoir violé ce droit en s’appuyant sur les deux actes notariés, à savoir les No 22931 et No 110182. Selon l’acte no 22931, le mandataire de NuCom Online International a procédé à toutes les opérations mentionnées sur son propre ordinateur (lequel n’était pas sous le contrôle des notaires avant que ne se réalise l’acte d’authentification), ce qui n’exclut donc pas la possibilité d’un traitement technique préalable sur cet ordinateur, autrement dit, la preuve fournie par le mandataire de la partie réclamante n’est ni unique ni incontestable. Le même acte notarié montre en plus que le disque dur portable qui contient la preuve à authentifier était conservé par le mandataire de NuCom Online International et fourni par lui aux notaires lors de l’acte d’authentification, ce qui implique que les notaires ne savaient pas si le disque dur en question était « propre » ou non et par conséquent, ne peuvent garantir la réalité ni l’objectivité du contenu de l’acte notarié. Par ailleurs, une démonstration faite par CNC Zigong prouve que si l’on se connecte à Internet après avoir modifié préalablement les données de l’ordinateur, on peut créer artificiellement un environnement informatique simulé. Pour ces raisons, l’opinion de CNC Zigong, à savoir que l’environnement informatique du site vu par les notaires ne reflétait pas la réalité, peut être considérée comme plausible et devait être prise en considération. D’autre part, bien que l’acte No 110182 prouve que l’employé de la salle de réception du CNC Zigong avait affirmé que l’on pouvait trouver le film « Crazy Stone » sur le site « www.zgcnc.net » et qu’il l’avait même vu personnellement, cet acte ne prouve pas directement que CNC Zigong a procuré à ses clients le service de diffusion en ligne du film concerné ; en plus, il est tout à fait raisonnable, selon CNC Zigong, que son employé ait fait les affirmations précitées pour la promotion de ses produits de service. Vu ces raisons, dans la mesure où NuCom Online International n’arrive pas à fournir d’autres preuves convaincantes, le contenu des actes notariés mentionnés ainsi que  celui conservé dans le CD joint auxdits actes ne sont pas confirmés, tandis que les preuves de la violation du droit par CNC Zigong sont jugées comme n’ayant pas suffisamment de force probante. Etant donné que les preuves fournies par NuCom Online International ne suffisent pas pour prouver son accusation, ses réclamations faites à l’encontre de CNC Zigong concernant l’indemnisation et les excuses pour violation du droit ne sont pas étayées. Ainsi les exigences de NuCom Online International ont été rejetées par le jugement du Tribunal populaire intermédiaire de la Ville de Zigong. N’acceptant pas ce jugement, NuCom Online International a fait appel auprès du Tribunal populaire supérieur de la Province du Sichuan. Après l’examen en deuxième instance, le tribunal a maintenu le verdict initial et rejeté l’appel de NuCom Online International.

 

L’avis de la Cour populaire suprême

NuCom Online International n’admettant pas le jugement du Tribunal populaire supérieur de la Province de Sichuan, a réclamé la révision du procès par la Cour suprême. Cette dernière, estimant que le contenu enregistré dans les deux actes notariaux fournis par le réclamant représente des vices, qu’il manque de réalité et d’objectivité et ne suffit pas à prouver que CNC Zigong a procuré à ses clients le service de diffusion en ligne du film « Crazy Stone », a décidé le 13 février 2009 par l’Arrêt (2008) MSH. No 926 que le verdict initial est correct. Ainsi a-t-elle rejeté la réclamation de la révision du procès faite par NuCom Online International.

 

 

Commentaire

Le présent cas concerne notamment la force probante de la preuve authentifiée dans l’environnement d’Internet. Etant donné que les informations sur Internet sont changeantes et se prêtent facilement à la suppression et à la modification, quand il s’agit du cas de violation du droit de diffusion des informations sur Internet, l’ayant droit, pour prouver son accusation, invite souvent le notaire à authentifier son processus de visite sur Internet, de connexion au site du contrevenant et de diffusion en ligne du film concerné, afin de faire de l’acte notarié la preuve de la violation du droit. Généralement, si l’acquisition des preuves se faisait dans l’étude notariale ou sur l’ordinateur de celle-ci, l’intimé ne remettrait pas en cause la véracité et l’objectivité de ces preuves. Cependant, dans beaucoup de cas, l’acquisition des preuves se fait dans le bureau de l’ayant droit ou de son mandataire, dans sa chambre d’hôtel ou dans un cybercafé, et sur un ordinateur qui n’appartient pas à l’étude notariale ; en outre, l’acte notarié ne mentionne pas non plus si l’intégrité de l’ordinateur et du média d’enregistrement utilisées est vérifiée. Ainsi, l’intimé est souvent en droit de remettre en cause la véracité et l’objectivité des preuves, sous prétexte des vices importantes que présente le processus d’acquisition des preuves notariées et de la possibilité de création préalable des pages du site web.

 

Dans la pratique, les tribunaux concernés n’ont pas toujours la même opinion sur ce problème. Certains tribunaux, tels que le Tribunal populaire supérieur de la Province de Sichuan et le Tribunal populaire intermédiaire de la Ville de Zigong, ne reconnaissent pas la force probante des actes notariés établis dans l’environnement d’Internet, jugeant qu’ils ne sont pas susceptibles d’assurer la véracité et l’objectivité du contenu enregistré dans les actes. Mais beaucoup d’autres tribunaux, en vertu des dispositions prévues dans l’article 67 du « Code de procédure civile » ainsi que dans les articles 9 et 77 de « Quelques dispositions faites par la Cour populaire suprême sur les preuves de la procédure civile », estiment que la remise en cause des preuves par l’intimé ne découle que de sa présomption ; dans la mesure où l’intimé n’arrive pas à fournir des contre preuves convaincantes, les quelques vices présents dans le processus d’authentification ne suffisent pas à nier la véracité et l’exactitude du processus de conservation des preuves électroniques. Ainsi, ils reconnaissent la force probante des actes notariés concernés. Pour cette raison, la décision de la Cour populaire suprême est d’une grande importance dans la mesure où elle a unifié la norme d’exécution de la loi par l’ensemble des tribunaux du pays, et a régularisé le processus d’acquisition des preuves authentifiées.

 

Dans le présent cas, les deux actes notariés constituent les preuves-clés. La reconnaissance ou non de la force probante de l’acte No 22931 dépend du critère selon lequel le tribunal légalise les preuves authentifiées acquises dans l’environnement d’Internet. En l’occurrence, le tribunal a déjà mis en évidence le fait que techniquement, il est possible de créer au préalable une page cible dans un ordinateur local, et que cette page simulée coexiste avec d’autres pages réelles quand on se connecte à Internet via cet ordinateur. Par conséquent, la clé de ce procès est de prouver que le site accusé de violation a diffusé le film concerné sur Internet. Dans la pratique, il y a des cas où le tribunal considère l’état « connecté » affiché sur MSN comme preuve que l’on est dans l’environnement d’Internet, et d’autres où il estime que l’on est déjà dans cet environnement à partir du moment où l’on branche le câble Ethernet sur son ordinateur. Avant l’apparition des nouvelles technologies qui permettent de créer un environnement d’Internet simulé, les parties ne contestent pas l’existence de l’environnement d’Internet ainsi reconnue par le tribunal suivant les critères cités plus haut. Pourtant, avec l’apparition des nouvelles technologies, au cas où le processus d’acquisition des preuves ne répondrait pas à la norme prévue, et notamment quand la partie intimée remet en cause les preuves ainsi établies, le tribunal se doit de vérifier si les preuves authentifiées en question sont susceptibles de démontrer que l’on est dans l’environnement d’Internet, c’est-à-dire qu’il se doit de vérifier si les informations concernées proviennent d’Internet ou d’un ordinateur local. C’est seulement après qu’il peut décider, suivant le résultat de la vérification, si ces preuves peuvent être utilisées comme base de jugement.

 

Dans le présent cas, l’examen du tribunal en premier ressort a montré que la procédure d’authentification concernée par l’acte notarié No 22931 s’était réalisée sur le lieu fourni par le mandataire de NuCom Online International, tandis que l’ordinateur et le disque dur portable utilisés lors de l’authentification étaient aussi fournis et opérés par le même mandataire. L’examen a en même temps montré que l’acte notarié en question n’avait pas mentionné si la propreté de l’ordinateur et du disque dur avait été vérifiée, et que sur le plan technique, il existe la possibilité de simuler la page cible concernée. De ce fait, bien que l’acte No 22931 montre que les actions enregistrées par lui se sont réalisées en présence des notaires, il ne suffit pas pour prouver que ces actions se sont réalisées dans l’environnement d’Internet, c’est-à-dire qu’il ne peut pas prouver que CNC Zigong a diffusé en ligne le film « Crazy Stone ».

 

 

Quant à l’acte No 110182, bien qu’il note le fait que l’employé de la salle de réception de CNC Zigong a affirmé l’existence de « Crazy Stone » sur le site « www.zgcnc.net » et qu’il y avait lui-même vu ce film, cet acte notarié ne prouve rien d’autres que l’énoncé dudit employé devant les notaires, et constitue en réalité un simple témoignage authentifié. Sans autres preuves qui le soutiennent, cet acte notarié lui-même n’est pas susceptible de prouver la véracité de ce témoignage. Par conséquent, le tribunal commettrait une faute très dangereuse s’il s’appuyait tout simplement sur cet acte et sans aucune autre preuve pour décider que CNC Zigong a diffusé sur son site le film concerné.

Ceci étant, le fait que la Cour suprême n’a pas reconnu la preuve de NuCom Online International ne signifie pas qu’elle souhaite alourdir la charge de la preuve de l’ayant droit. A l’heure actuelle où les technologies se développer rapidement, de nouvelles exigences s’imposent à la reconnaissance des preuves acquises dans l’environnement d’Internet : quand il vérifie les preuves ainsi établies, le tribunal se doit d’examiner leur légalité, leur objectivité et leur lien de causalité conformément aux dispositions prévues dans le « Code de procédure civile » et dans les règlements de la Cour suprême concernant les preuves, il se doit aussi de s’assurer que les informations authentifiées par les notaires proviennent d’Internet et non d’un ordinateur local, et de décider selon le résultat de la vérification si ces informations peuvent servir de base de jugement ou non. Bien sûr, la Cour suprême rappelle aussi aux parties concernées et aux études notariales de respecter les règles relatives lorsqu’ils procèdent à la conservation des preuves. Ce qui est justement le sens de ce procès.

 

Publié dans le magazine « La propriété intellectuelle de la Chine »,

édition d’Internet, avril 2009 ;

Reproduit dans « Journal of notarial study »,

No 2, 2010, Etude notariale Dongfang, Shanghai


 

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