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L’EIRL, ou comment séparer patrimoines personnel et professionnel

Le statut de l’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrera prochainement en vigueur. En voici les grandes lignes.

 

Plus de la moitié des entreprises crées en 2008 l’ont été en nom propre. On compte aujourd’hui 1,5 million d’entrepreneurs, artisans, commerçants, exploitants agricoles et professionnels libéraux qui n’ont pas choisi la forme sociétaire.

 

En raison de cette forme d’exploitation, l’entrepreneur individuel est responsable sans limitation sur l’intégralité de son patrimoine. Aucune différence n’est alors faite entre dettes professionnelles et dettes personnelles.

 

En cas d’échec professionnel ou de difficulté passagère, l’ensemble de ses biens mobiliers et immobiliers peut être mis en péril.

 

Les protections existantes

Depuis longtemps, le législateur a assoupli le droit des sociétés afin d’encourager l’entrepreneur individuel à « se mettre en société » en vue de protéger  son patrimoine privé. Ce fut le cas notamment de l’entreprise unipersonnelle à responsabilités limitée (loi du 11 juillet 1985). Selon l’étude d’impact fournie par le gouvernement, l’EURL n’a pas eu le succès escompté. Elle ne représente en effet que 6,2% du total des entreprises en 2008.

 

Le régime fiscal de l’EIRL

 

Fiscalement, l’EIRL est aligné, selon le cas, sur l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) ou sur l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). L’EIRL peut choisir de demeurer soumis à l’impôt sur le revenu pour les revenus de son activité professionnelle ou opter pour l’impôt sur les sociétés.

Ultérieurement, en vue d’atténuer les conséquences excessives du mode d’exercice individuel, le législateur a permis à l’entrepreneur individuel de déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixé sa résidence principale (Loi du 1er août 2003 sur l’initiative économique) et de manière plus générale, ses droits sur tout bien foncier bâti ou non bâti et non affecté à son usage professionnel ( Loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie).

 

Enfin, pour mémoire, on indiquera que la fiducie, récemment introduite dans notre système législatif, peut être utilisée par un entrepreneur  individuel en vue de séparer un patrimoine. Toutefois, reposant sur un transfert de propriété d’un bien entre les mains d’un fiduciaire, la fiducie, selon les travaux parlementaires, ne répond pas directement au besoin exprimé par les entrepreneurs individuels.

 

LE PATRIMOINE D’AFFECTATION

La loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (Loi n°2010-658 du 15 juin 2010) permet désormais à tout entrepreneur individuel d’affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel. Des précisions complémentaires pourraient être apportées par le projet de loi de modernisation de l’agriculture en cours de discussion en ce qui concerne l’entrepreneur individuel agricole à responsabilité limitée.

 

Cette affectation s’effectue sans création d’une personne morale : l’entrepreneur reste propriétaire des biens, qu’ils soient affectés ou non à son activité professionnelle.

 

Schématiquement, les biens affectés constituent la garantie des créanciers intervenant dans le cadre professionnel et la responsabilité de l’entrepreneur individuel à responsabilité limité (EIRL) est donc limitée à l’actif ainsi affecté. Un lien est ainsi effectué entre les droits des créanciers et le patrimoine constitutif de leur gage. Un entrepreneur pourra, à compter du 1er janvier 2013, créer plusieurs patrimoines affectés.

 

L’EIRL utilise une dénomination incorporant son nom, précédé ou suivi immédiatement des mots « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales « EIRL ».

 

Les biens concernés

Certains biens sont obligatoirement affectés ; d’autres le sont sur décision de l’entrepreneur.

 

Tout d’abord, le patrimoine affecté est composé obligatoirement de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’EIRL est titulaire et qui sont nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle.

 

Par exemple, le fonds de commerce d’un commerçant ou encore les outils de l’artisan constitueront un bien nécessaire à son activité.

 

Ensuite, le patrimoine affecté peut comprendre des biens, droits, obligations ou sûretés simplement utilisés pour l’exercice de l’activité professionnelle de l’EIRL  qu’il décide d’y affecter. Il s’agit d’un choix de gestion. Il en est ainsi du véhicule personnel utilisé par le commerçant pour récupérer chez ses fournisseurs les produits qu’il vend, ou encore de l’atelier emménagé par l’artisan dans sa résidence qui lui sert entre autres pour son activité professionnelle.

 

Une précision importante : un même bien, droit, obligation ou sûreté ne peut entrer que dans la composition d’un seul patrimoine affecté.

 

Une déclaration constitutive

L’entrepreneur doit procéder à une déclaration indiquant la constitution du patrimoine affecté. Cette déclaration constitutive est faite au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer (le registre du commerce, s’il est commerçant ou le répertoire des métiers, s’il est artisan). Pour un agriculteur, la constitution du patrimoine affecté résultera d’un dépôt à un registre tenu au greffe du tribunal en matière commerciale du lieu du principal établissement.

 

Le dépôt n’est accepté que s’il compte un état descriptif des biens, droits, obligations ou sûretés affectés à son activité professionnelle. Ces éléments doivent être détaillés en nature, qualité, quantité et valeur. La déclaration doit également mentionner l’objet de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté. Toute modification de l’objet donne lieu à une mention au greffe concerné.

 

D’autres justificatifs sont également à produire dans certains cas, en présence d’un bien immobilier, d’un bien commun ou indivis ou encore d’un bien dont la valeur est supérieure à un certain montant.

 

L’affectation d’un bien immobilier

Si parmi les biens affectés figure tout ou partie d’un bien immobilier, son affectation est reçue par acte notarié publié au bureau des hypothèques ou, dans le département du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier.

 

Si l’EIRL n’affect qu’une partie d’un bien immobilier, l’établissement d’un état descriptif de division est nécessaire.

 

Le non-respect de ces règles entraîne l’inopposabilité de l’affectation.

 

Des règles particulières

Si des biens communs ou indivis sont affectés, l’EIRL doit justifier de l’accord exprès de son conjoint ou de ses co-indivisaires et de leur information préalable sur les droits de créanciers professionnels auxquels la déclaration d’affectation est opposable. Le texte précise qu’un même bien commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d’un seul patrimoine d’affectation.

 

Le maintien de la déclaration insaisissabilité

 

Le projet de loi initial prévoyait la suppression de la déclaration d’insaisissabilité, selon certaines modalités. Elle est finalement maintenue.

L’intervention d’un expert est prévue en cas d’affectation de tout élément d’actif autre que des liquidités d’une valeur supérieure à un montant qui sera fixé par décret. À ce titre, un rapport est annexé à la déclaration constitutive et établi, sou sa responsabilité, par un commissaire aux comptes, un expert-comptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par l’entrepreneur individuel. L’évaluation par un notaire ne peut concerner qu’un bien immobilier.

 

Des règles sont prévues lorsque la valeur déclarée est supérieure à l’évaluation de l’expert du encore en l’absence de recours à ce dernier.

 

Le sort des créanciers

La déclaration d’affectation est opposable de plein droit à l’égard des créanciers dont les droits sont nés après son dépôts.

 

Elle est opposable aux créanciers dont les droits sont nés avant son dépôt à la condition que l’EIRL l’indique dans la déclaration d’affectation et les informe selon des modalités qui seront définies par décret. Sans empêcher la constitution du patrimoine affecté, ces créanciers antérieurs pourront alors former opposition dans un délais à déterminer. Dans ce cas, le tribunal peut rejeter l’opposition, ordonner le remboursement de la créance et exiger la constitution de garanties, si l’entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes.

 

LA SÉPARATION DES PATRIMOINES

Les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté.

 

Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté. Ces derniers peuvent toutefois en cas d’insuffisance du patrimoine non affecter exercer leur droit de gage général sur les bénéfices réalisées lors du dernier exercice clos.

 

Enfin, il faut savoir que l’EIRL est responsable sur la totalité de son patrimoine en cas de fraude ou de manquement grave, notamment à certaines règles comptables et bancaires.

 

Des obligations comptables et bancaires

L’EIRL doit établir une comptabilité autonome dans les conditions définies par le Code de commerce, sauf le cas des personnes soumises à des obligations comptables simplifiées (celles soumises aux micro-entreprises, au régime de l’évaluation forfaitaire des bénéfices agricoles ou bénéficiant d’un régime déclaratif spécial des bénéfices non commerciaux). Il doit annuellement déposer ces comptes ou documents comptables dans des conditions définies par le texte et doit également ouvrir un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité professionnelles.

 

LA VIE DU PATRIMOINE AFFECTÉ

La composition du patrimoine affecté évaluera dans le temps aussi bien dans sa composition que dans sa valeur.

 

En principe, l’EIRL n’a pas à déposer chaque année une déclaration actualisée de la composition ou de la valeur du patrimoine affecté. Cette fonction sera assumée par le dépôt des comptes annuels et autres documents comptables.

 

Deux précision toutefois. En cas d’affectation postérieure à la constitution de tout ou partie d’un bien immobilier, il conviendra de respecter le formalisme prévu en présence d’un tel bien lors de la constitution du patrimoine affecté (acte notarié, publicité au bureau des hypothèques ou au livre foncier etc.). Les règles d’évaluation du bien sont les mêmes que lors de la constitution du patrimoine affecté et l’affectation d’un bien commun ou indivis nécessite un formalisme spécifique.

 

LE DÉCÈS DE L’EIRL

En principe, la déclaration d’affectation cesse de produire ses effets notamment en cas de décès de l’EIRL. Toutefois, les créanciers conservent pour seul gage celui qui était le leur au moment du décès (plus spécifiquement, les créanciers visés aux 1° et 2° de l’article L526-11 du Code de commerce).

 

Par dérogation, l’affectation continue de produire ses effets dès lors qu’un héritier ou un ayant droit de l’EIRL décédé, sous réserve du respect des dispositions successorales, souhaite poursuivre l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté. Cette manifestation de volonté est soumise à un certain formalisme.

 

LA CESSION DU PATRIMOINE AFFECTÉ

L’entrepreneur peut, sous certaines conditions, céder à titre onéreux ou transmettre à titre gratuit, entre vifs le patrimoine affecté à une personne physique avec maintien de l’affectation dans le patrimoine du cessionnaires  ou du donataire. Cette reprise est accompagnée de certaines formalités prévues par le texte afin de la rendre opposable aux tiers.

 

 En revanche, la cession à titre onéreux à une personne morale ou l’apport en société entraîne transfert de propriété, dans le patrimoine du cessionnaire ou de la société, sans maintien de l’affectation. Le texte détaille la procédure à suivre en cas de cession ou d’apport en société.

 

 

 

Source : Conseils des notaires / juillet-août 2010/ n°395

 


 

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