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Les caractères généraux des biens incorporels

Arnaud Raynouard Professeur à l’Université des Sciences sociales Toulouse 1


Longtemps, l’on a conçu le droit des biens en termes de prérogatives sur des choses corporelles, sur des objets physiques. Le code civil français comporte d’ailleurs surtout des dispositions visant des biens corporels, et même surtout des dispositions visant les biens immobiliers.

Cette vue de l’esprit était naturelle, normale, car s’inscrivant dans la lignée d’une civilisation matérielle, pour reprendre l’expression de l’historien Fernand Braudel. Mais c’est Fernand Braudel lui-même qui, dans sa grande fresque d’histoire économique, montre comment se fait, je schématise, le passage d’une civilisation dont les rapports sociaux et économiques sont ancrés dans le matériel vers une économie de plus en plus immatérielle, de plus en plus incorporelle. C’est en effet le développement de la circulation des créances, notamment commerciales, l’usage des moyens de paiements sans monnaie physique, des droits d’auteurs ou de la propriété industrielle qui vont rendre plus abstrait les échanges économiques. On assiste aujourd’hui –encore que le mouvement soit déjà ancien- à une formidable expansion de l’incorporel.

En guise d’introduction, je voudrais faire deux observations sur ce mouvement, l’une sur la perception en termes juridiques des biens incorporels, l’autre sur la terminologie.

1ère observation : sur la perception juridique des biens

On a longtemps, par confusion, par simplicité aussi, entretenu l’idée selon laquelle le droit romain, qui inspire fortement, comme vous le savez, le droit civil français (au moins lors de la rédaction du code civil), le droit romain donc, négligeait les res incorporales. Le droit romain, disait-on, n’a conçu la propriété, n’a réglementé la propriété que sur des choses, objets matériels.

C’est, bien entendu, une erreur. L’héritage romain est plus subtile, le dominium, l’appropriation, portait autant sur les res incorporales que sur les res corporales. Et ce n’est pas parce que la propriété, notion a priori incorporelle (un droit n’ayant aucune matérialité en lui-même), a été confondue avec les choses sur lesquelles elle porte, qu’elle devient corporelle.

Le code civil lui-même, dès 1804, n’ignore pas cet aspect. Le droit de créance est un bien, il est donc lui-même objet de prérogatives de propriété, et il peut être cédé comme toute chose. L’article 1240 du code civil indique que l’on peut être possesseur d’une créance ; de manière plus générale, l’action en revendication porte indistinctement sur des meubles corporels ou incorporels.

Certes, ce sont les innovations des XIXe et XXème siècles qui vont conduire à un renouvellement des réflexions sur la question de l’incorporel et de l’immatériel. Mais ce qui se conçoit de manière plus évidente aujourd’hui n’est pas forcément, loin de là, une nouveauté complète. De la sorte on constate que les mécanismes traditionnels du droit des biens (la propriété, les droits réels …) demeurent tout à fait utilisables avec les biens incorporels … encore faut-il préciser que l’efficacité des mécanismes juridiques peut exiger des adaptations pour tenir compte des spécificités de ces biens.

2nde observation : elle porte sur la terminologie (qui n’est pas neutre en la matière, comme souvent)

Matériel/immatériel, corporel/incorporel. Ces deux couples d’oppositions sont-ils synonymes ? ou indiquent-ils des états différents ?

Le mouvement d’abstraction dans le droit des biens a eu cette conséquence que, très frequemment, le terme d’immatériel s’est substitué au mot incorporel. S’agit-il d’un changement de contenu ? La doctrine française, dans son écrasante majorité, considère que les deux termes sont synonymes. C’est, selon moi, une erreur. En effet, une chose corporelle est une chose qui peut être saisi par la main de l’homme, par la vue et par le toucher. De sorte qu’une chose incorporelle est une chose qui ne peut être saisi par la main de l’homme, ni par la vue ni par le toucher. En revanche, une chose matérielle est une chose constituée de matière, tandis qu’une chose immatérielle est une chose sans matière. A ce titre, on constate qu’une chose incorporelle n’est pas nécessairement immatérielle. Par exemple, une inscription électronique est matérielle et incorporelle ; l’électricité est un bien matériel et incorporel ; un droit est incorporel et immatériel ; une œuvre de l’esprit est incorporelle et immatérielle. Tout dépend alors de savoir quel est le degré de matérialité qui importe au regard des mécanismes juridiques.

Du coup, le terme immatériel n’est pas un synonyme d’incorporel et il faut distinguer, dans les mécanismes juridiques, ce qui est attaché à la corporalité des biens de ce qui est attaché à leur matérialité. Et l’on voit alors que la plupart des biens, mêmes incorporels, sont dotés d’une certaine matérialité.

Ex. : les comptes bancaires, constituée de monnaie scripturale, sont insaisissables à la main (contrairement à l’argent physique), mais si les bandes magnétiques ou autre support des inscriptions viennent à être détruit (destruction matérielle, ou encore virus informatique)… et alors la monnaie scripturale disparaît de la même manière que si l’on brûle des billets de banque. A cette réserve près que les supports électroniques permettent plus facilement de dupliquer les inscriptions et ainsi d’éviter certaines formes de destruction.

Les biens incorporels sont donc ceux qui ne peuvent être saisis par l’homme de manière naturelle ; mais qui disposent néanmoins d’un support les matérialisant : un titre, une inscription … Ce qui est plus récent (bien que pas totalement nouveau) c’est le phénomène de la scripturalisation, c’est-à-dire des biens qui n’existent qu’au travers d’une écriture (comptable ou autre).

Ce sont les différentes modalités de matérialisation qui commandent alors le régime juridique des biens incorporels : quelle est la valeur attachée au support du bien immatériel ?

Dès lors, en fait de caractères généraux, les biens incorporels n’ont qu’une seule caractéristique commune, qui est de ne pas être saisissable à la main, et ils s’éparpillent ensuite en des biens distincts. Autrement dit, le caractère commun des biens incorporels est absorbé par les caractéristiques propres des différents biens incorporels. A l’unité de caractéristique (1), correspond des biens différents (2).

 

1. Le caractère commun : une valeur patrimoniale.

Si, comme le disait René Savatier, un bien n’existe que par son utilité économique, c’est qu’alors un bien est une valeur dont le droit assure la réservation (l’appropriation) et la circulation (commercialisation). Cette analyse économique montre que, d’un point de vue juridique, on peut négliger la distinction des choses corporelles de celles qui sont incorporelles. Il est important, économiquement, de garantir les droits portant sur les biens incorporels (stimulation pour l’investissement) et de rendre efficace leur transmission (condition nécessaire pour un marché).

Cela est vrai dans une certaine mesure seulement : la propriété s’applique indistinctement, ce qui est également vrai des droits réels (l’usufruit, par ex.), ou encore de l’indivision. Mais cela cesse d’être vrai en ce qui concerne la mise en œuvre pratique des droits. Tout simplement parce qu’une chose qui existe concrètement s’impose avec plus d’évidence qu’une chose qui n’existe qu’au travers d’un procédé de matérialisation (titre, inscription, enregistrement …).

Il est évident qu’un immeuble s’impose plus directement qu’une action de société ou qu’une créance.

Deux remarques ici.

1ère remarque : l’idée selon laquelle les biens n’ont d’existence qu’au travers de leur utilité est poussée à l’extrême par la CEDH qui juge, pour faire application de l’article 1er, du 1er Protocole additionnel sur la propriété, qu’il suffit d’identifier une valeur patrimoniale. La CEDH protège alors sur le fondement de la propriété autant un immeuble qu’une action de société qu’une créance d’indemnisation.

2nde remarque : il est impossible d’analyser la spécificité des biens incorporels en prenant pour appui les principes juridiques du droit des biens relatif à l’appropriation (propriété et droits réels).

Je voudrais rapidement illustrer cette dernière remarque par deux observations, l’une portant sur la nature du droit, réel ou personnel, l’autre sur la distinction meuble et immeuble.

1ère observation : le droit réel donne à son titulaire un pouvoir direct et immédiat sur une chose, tandis qu’un droit personnel (ou droit de créance) donne le droit d’exiger une prestation d’une autre personne (débiteur). Le caractère corporel ou incorporel est sans incidence ici, si l’on admet que le pouvoir direct ou le pouvoir d’exiger une prestation sont des biens.

2nde observation : la distinction des meubles et des immeubles n’a aucun sens pour les biens incorporels. Cette distinction repose sur la mobilité du bien, or un bien sans corps n’est pas, en lui-même, par nature, mobile ou immobile. Tout dépend de la façon dont il est organisé : un titre de société nominatif est moins mobile qu’un titre au porteur, alors même que les deux sont désormais incorporels car inscrits en compte.

Le caractère spécifique du bien incorporel est donc de ne pas avoir de corps naturel, mais d’être matérialisée par un procédé choisi. Il est en effet nécessaire de pouvoir isoler un bien pour qu’il soit susceptible d’appropriation, afin qu’il entre dans le circuit des échanges : une action de société existe peut-être de manière abstraite, sa circulation nécessite une organisation plus concrète.

Les procédés peuvent être variés et peuvent emporter des conséquences juridiques différentes.

Les procédés sont la rédaction d’un contrat (support papier ou électronique), l’inscription en compte d’une valeur (un droit !), l’enregistrement ou l’inscription sur un registre.

Les conséquences juridiques sont variées car le procédé de matérialisation peut n’avoir qu’une seule fonction de preuve ou être une condition de leur existence :

ex. : une créance, le plus souvent, ne doit être matérialisée que pour des questions de preuve, tandis qu’un brevet n’existe pas sans un dépôt et un enregistrement dans un registre spécial.

Enfin, pour terminer ce premier point, un constat s’impose : la qualification de bien corporel ou incorporel est extrêmement générale, de sorte qu’elle est plus descriptive qu’opératoire.

Le code civil français comporte ainsi de nombreuses dispositions relatives aux biens immobiliers, mais très peu relatives aux biens mobilier. Or, le bien incorporel n’étant pas, par nature, mobilier ou immobilier, son régime pourra être organisé par inspiration du régime mobilier (par ex. la possession) ou du régime immobilier (par ex. en exigeant un formalisme spécifique).

Le caractère général des biens incorporels est donc de ne pas avoir de corps et du coup de nécessiter une matérialisation, or cette matérialisation varie grandement selon le bien envisagé ; ce qui renvoie alors aux différents types de biens incorporels.

 

2. Les divers biens incorporels.

Les biens incorporels sont nombreux et se manifestent dans toutes sortes de domaines. Plus spécifiquement, on peut présenter quatre types de biens incorporels qui ont aujourd’hui une grande importance : le bien résultant d’un ensemble de biens (les universalités), le bien constitué par une information, les valeurs mobilières et les propriétés intellectuelles.

2.1. Les universalités.

On parle d’universalité lorsque qu’est réuni –parfois de manière seulement intellectuelle- un ensemble de biens. On obtient alors un bien nouveau constitué par cet ensemble, qui se distingue des biens envisagés individuellement qui composent l’ensemble. Le bien ainsi créé (l’universalité) est-il corporel ou incorporel ? Traditionnellement, on considère qu’il s’agit d’un bien incorporel lorsqu’il est exclusivement constitué de biens incorporels et lorsqu’il comporte des biens corporels et incorporels, tandis que certains y voient un bien corporel si l’universalité est exclusivement composée de biens corporels.

Certains universalités sont reconnues depuis longtemps : le fonds de commerce, d’autre depuis peu : le fonds libéral (et le fonds rural), le portefeuille de valeur mobilière.

Je mets de côté la question du patrimoine (ensemble des créances et des dettes d’une personne) et des patrimoines distincts (les différentes masses que l’on retrouve en matière de régimes matrimoniaux, de droit des successions ou encore la fortune de mer), car ils soulèvent surtout, en droit français, des questions étrangères au droit des biens incorporels.

Universalité anciennes :Fonds de commerce

L’idée selon laquelle les divers éléments constitutifs d’un fonds de commerce, c’est-à-dire d’une activité commerciale (clientèle, droit au bail, enseigne, marques, marchandises …) constituent un ensemble qui est un bien incorporel distinct des éléments constitutif est ancien.

La Cour de cassation a reconnu en 1888 que le fonds de commerce constituait une “ universalité juridique d’éléments divers ” et que “ le fonds de commerce pris dans son ensemble (est) un meuble incorporel ”.

Du coup, le fonds de commerce est un bien objet de droits. La loi est ensuite venue organiser ce bien, en imposant notamment un certain formalisme permettant son utilisation : nantissement du fonds de commerce, saisie, cession …

Universalités récentes : Fonds libéral, fonds rural, portefeuille de valeurs mobilières

En matière d’activités non commerciale, la reconnaissance d’une universalité (c’est-à-dire un bien), a longtemps été discutée. Notamment en raison du caractère très personnel des relations existant entre les professionnels prestataires de services (avocats, médecins …) et leurs clients. Depuis un arrêt de l’année 2000, la Cour de cassation reconnaît le fonds libéral. Du coup, il y a là un bien cessible en lui-même, bien composé de la clientèle, du matériel et des locaux qui servent à l’exploitation ; la reconnaissance de ce bien incorporel facilite la transmission de l’activité.

Le même mouvement s’est constaté en matière agricole, la jurisprudence reconnaissant l’autonomie du fonds agricole par rapport aux éléments constitutifs de ce fonds. Cela a notamment été jugé pour faire entrer dans la cession d’un fonds agricole les droits de plantation attachés à l’exploitation (1999).

Emblématique des tendances récentes, la qualification du portefeuille de valeur mobilière (ensemble de titres de société) en une universalité, bien incorporelle, permet de régler certaines questions, surtout liés à sa transmission et à l’usufruit. Le portefeuille de valeur mobilière est donc considéré comme un bien distinct des valeurs mobilières qui le compose … le tout étant incorporel.

Universalité en discussion : l’entreprise.

On se demande aujourd’hui si la notion d’entreprise, en l’absence de société commerciale dotée de la personnalité morale, ne pourrait pas constituer une universalité, c’est-à-dire un bien incorporel. Cela faciliterait la transmission d’une entreprise ainsi que son utilisation en tant que sûreté ; enfin, cela faciliterait un certain nombre d’opérations intéressant les groupes de société.

2.2. Les valeurs mobilières

Les valeurs mobilières sont des biens d’une grande importance aujourd’hui, c’est un euphémisme. Leur importance est d’ailleurs autant une question de patrimoine privée que d’intérêt général (marchés financiers). Les parts et actions de sociétés sont incorporels et constituent des droits mobiliers. L’article 529 du code civil l’indique expressément.

Les actions –je raisonnerais sur les sociétés commerciales par action- sont des biens incorporels en ce sens qu’elles représentent une fraction abstraite du capital de la société (ce qui est distinct de la valeur d’échange sur un marché, qui est elle fonction de l’offre et de la demande).

Pendant longtemps, on s’est contenté de considérer que le titre au porteur constituait un bien corporel en raison du support corporel (papier) dont il bénéficiait, tandis que le titre nominatif constituait un bien incorporel. Mais la “ dématérialisation ” des valeurs mobilières au début des années 1980 a maintenu la catégorie des titres au porteurs et des titres nominatifs … alors qu’ils sont l’un et l’autre exclusivement matérialisés par une inscription en compte. Du coup, ils sont l’un et l’autre incorporel.

Du coup aussi, il a fallu organiser la constatation et la circulation de ces biens. A titre d’exemple, les valeurs mobilières sont soumises à un régime juridique parfois dérogatoire au droit commun, comme en matière de transfert de propriété (régime remanié par l’ordonnance du 24 juin 2004).

Les valeurs mobilières fournissent un bon exemple des spécificités que peuvent induire les biens incorporels par rapport aux mécanismes classiques du droit des biens : ainsi la formalisation et l’organisation des transferts des valeurs mobilières bénéficient de règles spécifiques.

2.3. Le bien “ informationnel ”

Puisque la valeur patrimoniale permet d’identifier un bien incorporel susceptible d’appropriation, il est aisé de comprendre le développement des biens constitués par un savoir spécifique.

Cela permet alors d’en protéger l’existence et d’envisager leur échange.

Il y a toutefois un débat portant sur la légitimité de l’appropriation du savoir : s’agit-il d’un bien toujours privé ou l’intérêt collectif à l’accès à certaines information ne doit-il pas prévaloir. La réponse a évidemment un intérêt pour la détermination du régime du bien incorporel (mais guère sur sa qualification).

Si on discute toujours de l’existence de droits culturels, on reconnaît clairement que la valeur marchande d’une information peut en faire un bien. Le bien “ informationnel ” est alors consacré de diverses manière : savoir-faire, logiciel, signe distinctif … ce qui renvoie à des régimes plus ou moins précis.

Le traitement des lettres missives est un bel exemple d’enchevêtrement possible de la nature des biens. A l’occasion de contentieux portant sur la protection du secret des lettres missives, la jurisprudence a pu reconnaître que :

- la propriété de la feuille de papier sur laquelle la lettre est écrite est une propriété mobilière corporelle,

- la révélation du contenu de la lettre appartient au destinataire, sauf si la lettre est confidentielle,

- la publication de la lettre est un droit de propriété littéraire appartenant à son auteur.

De manière générale, l’information soulève une difficulté qui tient à ses modes d’élaboration : création de l’esprit, l’information (ou savoir), n’est pas facilement identifiée et isolée pour constituer un bien distinct de son mode de matérialisation.

D’où des régimes juridiques spécifiques tendant à protéger des situations particulières :

par ex., la protection des bases de données accessibles par électronique destinée à protéger le bien (universalité) constitué par l’agencement de différentes informations (par ex., les cours de bourse) sans que cet agencement ne puisse être protégé par un droit d’auteur.

La reconnaissance d’un bien informationnel peut s’étendre à des formes très immatérielles de bien : ainsi le système imaginé pour protéger Canal Plus (télévision privée inaccessible sans un décodeur) est protégé … s’agit-il d’une propriété inachevée ou inavouée ?

Un dernier exemple des nouveaux biens incorporels fondés sur une information est celui du nom de domaine : s’agit-il d’une propriété (puisqu’il désigne un espace numérique), d’une simple adresse (au statut juridique incertain) ou d’une propriété intellectuelle ? La question –toujours ouverte- est souvent abordée, dans des contentieux, par un conflit entre le droit des marques et la liberté d’expression, ou encore sous l’angle du parasitisme.

Le constat est toujours le même : à l’émergence d’une valeur économique, valeur patrimoniale, répond l’extension de la protection de cette valeur par une réservation, par une appropriation ; donc par une propriété.

2.4. Les propriétés intellectuelles

Enfin, une grande catégorie de biens incorporels est évidemment composé par ce que l’on nomme les propriétés intellectuelles. On constate d’ailleurs une irrésistible ascension des propriétés intellectuelles. Il faut entendre par ce terme, les propriétés d’une création de l’esprit. Il s’agit donc de la propriété littéraire et artistique ou industrielle (ce que les étudiants appellent la “ PLAI ”).

Puisque j’exposerais ensuite la propriété industrielle, je me contenterai d’évoquer la propriété littéraire et artistique. Cette propriété confère à l’auteur d’une œuvre (puis, après son décès, à ses ayants droit, pendant 70 ans) un droit de nature économique et (spécificité française) un droit moral.

Le droit économique est le droit de tirer profit de l’œuvre (présentation, publication …). Il s’agit d’un droit incorporel distinct du bien corporel qui porte sur la chose matérialisant l’œuvre (le livre, le DVD, la sculpture …).

Le droit moral est le droit du créateur qui, indépendamment de l’exploitation économique, lui permet de protéger l’intégrité de son œuvre. Par ex., le droit moral permet au réalisateur d’un film en noir et blanc de s’opposer à sa “ colorisation ” …

Les propriétés intellectuelles sont la reconnaissance d’un monopole d’exploitation : il y a donc une valeur patrimoniale incorporelle reconnue et protégée.

Cette catégorie de droit permet éventuellement de répondre aux besoins de protection de biens nouveaux : ainsi les logiciels, depuis une position américaine, sont-ils protégés au moyen d’un droit d’auteur (la solution est discutable). Mais déjà le brevet d’un logiciel est officiellement admis aux Etats-Unis d’Amérique (le double clic a été breveté par Microsoft !) et officieusement par l’Ofice européen des brevets avant de devenir officiel dans les mois qui viennent.

***

Pour conclure ce panorama très général sur les biens incorporels, je me permettrais deux observations.

1ère observation : au-dela de l’absence d’un corps saisissable par la main de l’homme, les biens incorporels sont de nature très variable : ils peuvent être parfaitement immatériel (œuvre de l’esprit, savoir, information) ou simplement composés d’une matière insaisissable de manière immédiate (valeurs mobilière inscrites en compte).

De la sorte les biens incorporels soulèvent toujours un problème d’identification, de singularisation.

2nde observation (liée à la première) : on retrouve cette même difficulté d’appréhension au regard des mécanismes juridiques : les biens incorporels sont des biens, donc ils bénéficient des mécanismes juridiques tel la propriété (individuelle ou collective), les droits réels … mais l’exercice de ces droits suppose le plus souvent une organisation spécifique tenant compte non seulement de la nature incorporelle des biens (ce qui donne beaucoup de liberté d’organisation) mais également, et surtout, de l’utilité économique propre à chacun de ces biens.

Du coup, les biens incorporels ne constituent pas une catégorie opératoire du droit des biens français, mais le constat d’une spécificité appelant un délicat équilibre entre le besoin de règles nouvelles et l’application de régimes éprouvés … mais cet équilibre instable est sans doute le caractère général d’un droit vivant !

 


 

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