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Le décès d’un expatrié français en Chine (I)

Le décès d’un expatrié français en Chine (I) [1]

 

Carla MAS, Master Droit notarial – Université de Bordeaux

Solène OLIVIER, Master Droit notarial – M213 – Université Paris Dauphine PSL

 

 

Partie Introductive : Les régimes matrimoniaux dans le cadre du règlement d’une succession franco-chinoise

 

Le présent mémoire a vocation à s’intéresser au règlement de la succession d’un expatrié français en Chine. Comme il l’a été précisé, il ne s’agit plus d’un cas d’école puisque les relations entre la France et la Chine ne cessent de se développer.

 

Préalablement au règlement de la succession, il faut tenir compte de la situation matrimoniale du défunt (célibat, concubinage, partenariat, mariage religieux et/ou civil). En effet, il est nécessaire de tenir compte des incidences de ces diverses situations sur le patrimoine du de cujus avant de pouvoir s’intéresser à sa dévolution. Ainsi, il convient de rappeler les principales règles applicables aux régimes matrimoniaux. Il est alors nécessaire d’apprécier les règles de droit interne et de droit international privé relatives au mariage entre ressortissants français et chinois.

 

§1 - Les règles de droit international privé

 

a) Les règles de droit international privé français

 

Le droit international privé français n’est pas uniforme dans le temps s’agissant des régimes matrimoniaux : ainsi selon la date de célébration du mariage, les époux ne seront pas soumis aux mêmes règles de droit lorsqu’il s’agira de déterminer la loi applicable à leur régime matrimonial. Il faut distinguer trois périodes :

Unions célébrées avant le 1er septembre 1992

Droit commun jurisprudentiel

Unions célébrées entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019

Convention de La Haye

Unions célébrées à compte du 29 janvier 2019 inclus

Règlement européen

 

Pour les époux mariés avant le 1er septembre 1992. Le principe est celui de l’autonomie de la volonté. Les époux, au sein d’un contrat de mariage, peuvent choisir la loi qui aura vocation à régir leur régime matrimonial, sans restriction. Ainsi, peu importe que les époux choisissent la loi de l'État de leur nationalité, de leur résidence, ou même quelconque loi qui leur conviendrait. À défaut de choix de loi, il convient de rechercher la volonté implicite des époux, c'est-à-dire qu’il convient, à partir de l’ensemble des éléments de fait, de déterminer le lieu de le premier domicile commun après le mariage, c’est-à-dire le premier domicile matrimonial. Autrement dit le premier domicile constitue une présomption simple de choix de loi implicite au profit de la loi du lieu du domicile commun. Au-delà, il faut une certaine stabilité. Il ressort d’un consensus interCRIDON que l’on peut considérer que le domicile est stable et effectif au-delà de deux années. La jurisprudence oscille parfois sur cette durée.

 

Pour les époux mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019. Il faut se référer à la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. En résumé, si les époux ont convenu d’un contrat de mariage, il y a trois critères de rattachement subjectifs en vertu de l’article 3 de la Convention : a) la loi de la nationalité de l’un des époux au moment de la désignation ; b) la loi de la résidence habituelle au moment de cette désignation ; c) la loi de la nouvelle résidence habituelle après le mariage. En bref, les époux, d’un commun accord, peuvent choisir l’une de ces lois et par suite l’un des régimes qu’elle propose pour régir les rapports pécuniaires qui découlent de leur union. À défaut de contrat, il existe des critères de rattachement objectifs à l’article 4 de la Convention : a) la première résidence habituelle commune après le mariage ; b) à défaut, la loi de la nationalité commune des époux ;[2] c) à défaut, la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, le régime matrimonial présente les liens les plus étroits. Sans entrer dans les détails, la véritable difficulté de cette convention résulte dans le principe de mutabilité automatique qui peut conduire les époux à se voir appliquer un nouveau régime matrimonial, pendant leur mariage, sans l’avoir choisi et sans même en être au courant. C’est notamment le cas lors de la convergence entre la résidence habituelle commune et la nationalité commune des époux, si les époux ont établi une nouvelle résidence habituelle depuis plus de dix ans, ou encore lorsque les époux étaient mariés sous le régime de la loi de la nationalité commune (à défaut de résidence habituelle) et qu’ils ont tous deux établi par la suite une résidence habituelle commune, la loi de celle-ci aura vocation à s’appliquer à leur régime matrimonial. Il n'y a pas de rétroactivité, de sorte qu’il y aura un morcellement et des régimes distincts selon la date d’acquisition des biens. Dans un contexte d’expatriation, cette mutabilité automatique pose de grandes difficultés. C’est pourquoi il convient d’anticiper ce changement de résidence en désignant la loi applicable puisque cela permet de neutraliser le jeu de la mutabilité automatique.

 

Pour les époux mariés à compter du 29 janvier 2019. L’article 22 du Règlement Régimes matrimoniaux[3] dispose que « les époux ou futurs époux peuvent convenir de désigner ou de modifier la loi applicable à leur régime matrimonial pour autant que ladite loi soit l’une des lois suivantes : a) la loi de l'État dans lequel au moins l'un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ; ou b) la loi d'un État dont l'un des époux ou futurs époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention ». Toutefois, si les époux n'ont pas fait de choix de loi, la loi applicable est celle de leur première résidence habituelle ou à défaut, « la loi interne de l’État avec lequel, compte tenu de toutes les circonstances, les époux présentent les liens les plus étroits ».

Ainsi, selon la date de célébration du mariage, le notaire devra se référer à des textes différents pour déterminer la loi applicable à l’union et par suite pour déterminer le régime applicable (régime légal prévu à défaut de choix des époux). Malgré une certaine continuité entre ces textes, les principes diffèrent quelque peu, ce qui montre la volonté du législateur de corriger les erreurs passées. Après le droit international privé français, reste désormais à s’intéresser au droit international privé chinois.

 

b) Les règles de droit international privé chinois

 

Conventions internationales. Les traités ou accords internationaux conclus par la Chine ou auxquels elle a adhéré sont reconnus en droit chinois comme étant une source de droit. Ils ont une supériorité sur la loi interne, sauf en cas de réserve émise par la République populaire de Chine (à l’exception des règles constitutionnelles).

 

Règles internes de conflits de lois. Il faut se référer à la loi de la République populaire de Chine sur l’application dans les relations civiles avec un étranger du 28 octobre 2010, entrée en vigueur le 1er avril 2011. En ce qui concerne les rapports pécuniaires entre époux, les parties peuvent d’un commun accord, choisir l’application de la loi de la résidence habituelle de l’une des deux parties, de la loi de l’État dont l’une des deux parties a la nationalité, ou de la loi du lieu où se situe le bien principal. À défaut de choix par les parties, la loi de leur résidence habituelle commune s’applique, et à défaut de résidence habituelle commune, la loi de la nationalité commune s’applique (article 24).

Une fois les règles de droit international privé connues, reste à savoir quelles règles de droit interne sont applicables dans chacun des pays.

 

§2 - Les règles de droit interne

 

Une fois que le notaire a déterminé la loi applicable au régime matrimonial des époux, il lui incombe de déterminer le régime légal applicable au sein de cette loi à défaut de choix des époux. Il convient de revenir brièvement sur les règles de droit interne françaises et chinoises afin de déterminer les contours du patrimoine du de cujus que l’on retrouvera dans sa succession.

 

a) Les règles de droit interne français

 

Pour les mariages célébrés à partir du 1er février 1966 (Loi du 13 juillet 1965), les époux n'ayant pas réalisé de contrat de mariage sont soumis au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts (article 1400 du Code civil). Dès lors, trois masses de biens se distinguent, une masse de biens communs et une masse propre à chaque époux. Au moment de la liquidation de communauté, chaque époux récupère ses biens propres et la moitié de la communauté, sauf récompenses et dispositions contraires.

Les époux peuvent convenir d’un contrat de mariage pour se soumettre aux régimes de communauté universelle, de participation aux acquêts, ou encore de séparation de biens notamment. Le contrat de mariage doit être rédigé devant notaire, à peine de nullité, avant le mariage, avec la présence des deux époux pour la signature et un consentement simultané (article 1394 du Code civil). L’officier d’état civil est ensuite informé par le notaire de ce contrat et ajoute une mention en marge de l’état civil au moment de la célébration du mariage.

 

b) Les règles de droit interne chinois

Le mariage a une importance particulière en Chine puisqu’il donne un cadre légal pour procréer. Les couples sont donc incités à ne pas avoir d’enfants hors mariage. Le concubinage et le PACS n’existent pas.

S’agissant des conditions pour le mariage, l’homme doit avoir vingt-deux ans et la femme vingt ans pour se marier (article 1147 du Code civil). Un simple enregistrement auprès 11 de l’autorité compétente suffit pour se marier. Il s’agit du bureau des affaires civiles. Les mariages entre personnes de même sexe ne sont pas permis.

Le régime légal adopté par la loi chinoise est le régime de la communauté réduite aux acquêts. Ce régime correspond, à quelques nuances près, à celui tel qu'il est appliqué en droit français. Dans ce régime, les biens acquis ensemble ou par l’un des deux époux pendant le mariage appartiennent à la communauté, sous réserve des dispositions contraires de la loi ou des clauses conventionnelles contraires conclues par les deux époux.

 

Biens communs (article 1062 du Code civil)

Biens propres (article 1063 du Code civil)

Salaires, revenus tirés de la production, de l’exploitation et de l’investissement ; biens reçus par succession ou donation à l’exception de ceux dont l’attribution à l’un des époux est explicitement précisée par le testament ou le contrat de donation, revenus tirés de l’investissement avec les biens propres.

Biens personnels acquis avant le mariage, biens ayant un caractère personnel par nature, biens reçus par succession testamentaire ou donation dont l’attribution à l’un des deux époux est explicitement précisée ; biens personnels à usage quotidien.

 

En ce qui concerne les régimes conventionnels, les dispositions du Code sont très concises puisqu’il n’y a qu’un article. La convention matrimoniale doit être faite par écrit (sans qu’aucune autre formalité particulière ne soit imposée, ce qui diffère du droit français qui impose l’intervention du notaire français), à défaut, le régime légal s’applique (article 1065 du Code civil). Le législateur n’a pas précisé le moment auquel l’accord devait être conclu (lors du mariage, avant ou après le mariage). Les époux ont une grande liberté dans la rédaction de leur convention (communauté universelle ; séparation des biens ; communauté partielle).

 

En pratique, si un(e) Français(e) souhaite se marier en Chine avec un(e) Chinois(e), il doit d’abord obtenir de l’ambassade ou du consulat un certificat de capacité à mariage. Après le mariage, il faut demander une transcription de l’acte de mariage sur les registres consulaires pour le rendre opposable aux tiers en France.[4]

Un mariage avec des éléments d'extranéité peut entraîner des incertitudes pour les époux. De ce fait, les conventions matrimoniales peuvent être de bons outils pour appréhender ce type de situation. Les règles relatives aux contrats de mariage sont assez semblables dans les deux pays. Ainsi, en vertu du droit international privé, un tel contrat réalisé en Chine est souvent valide en France et inversement.

 

En bref, il convient de régler la succession du de cujus en prenant en compte l’ensemble de sa situation et de son patrimoine, ce qui implique nécessairement de régler le sort de son régime matrimonial avant de pouvoir s’intéresser à la dévolution des biens successoraux. Il convient désormais de se concentrer sur le règlement à proprement dit de la succession d’un expatrié français en Chine. En pratique, le règlement de la succession implique deux aspects :

·   Le règlement civil : il s’agit de s’intéresser à la dévolution des biens successoraux et pour ce faire, il est nécessaire de déterminer la loi qui a vocation à s’appliquer. Se pose donc la question de la détermination de la loi applicable.

·   Le règlement fiscal : il s’agit de s’intéresser à la détermination de l’assiette taxable et d’éviter tout phénomène de double imposition.

 



[2] Attention cela ne vaut qu’à certaines conditions :

1/ Parce que les époux sont ressortissants d’un pays qui a fait la déclaration indiquant que sa loi interne est applicable. En pratique, cela ne concerne en réalité que les Pays-Bas. Concrètement, deux néerlandais qui se sont mariés en 1996 à la Haye et qui s’installent à Lyon après le mariage seront soumis au régime légal néerlandais de la communauté universelle.

2/ En application du droit international privé de la nationalité commune lorsque les époux fixe leur première résidence dans un État ayant fait la déclaration à l’article 5, ou lorsque cet État a pour règle de droit international privé d’appliquer la loi nationale commune.

3/ Parce que les époux n’ont pas de première résidence commune après le mariage.

[3] Règlement (UE) 2016/1103 du Conseil du 24 juin 2016 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la compétence, de la loi applicable, de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière de régimes matrimoniaux.

 

[4] « Mariage en Chine », site internet Ambassade de France en Chine, 09/10/2024.



 

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