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Les grandes lignes du droit des entreprises en difficulté

Le droit français des procédures collectives qui datait d’une loi du 25 janvier 1985, modifiée en 1994, vient d’être réformé en profondeur. Une loi a été votée le 26 juillet 2005 (la loi de sauvegarde des entreprises). Elle a été intégrée dans le Code de commerce et est entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

Pour brosser un tableau du droit français des entreprises en difficulté, il apparaît utile de rappeler la diversité de ses finalités (A) et de présenter la variété des outils qu’il met à la disposition des professionnels (B).

A – La diversité des finalités

Comme son nom l’indique le droit des entreprises en difficulté place aujourd’hui l’entreprise au cœur de ses préoccupations en cherchant à prévenir ou traiter ses difficultés (1°) ou en s’efforçant d’organiser sa liquidation lorsque l’échec est avéré (2°).

1°) Prévenir et traiter les difficultés

La loi nouvelle part du constat que le droit de la faillite ne parvient pas à sauver les entreprises : 95% des procédures collectives ouvertes en France se terminent par une liquidation. Le législateur a considéré que ces statistiques décourageantes n’étaient pas une fatalité et qu’un droit mieux adapté pourrait permettre de sauver plus d’entreprises, objectif évidemment favorable à l’économie française et à la volonté de sauver des emplois.

 

Pour parvenir à améliorer l’efficacité des procédures collectives, le législateur a adopté une idée simple : il faut anticiper le traitement des difficultés et faire en sorte que les mesures de sauvetage interviennent plus rapidement. Comme en médecine, il semble qu’en droit des entreprises en difficulté un traitement est plus efficace s’il est administré de façon précoce. Si autant d’entreprises sont finalement liquidées, c’est parce qu’elles ne peuvent pas être sauvées lorsque le tribunal commence à s’en occuper ; elles arrivent devant le juge dans un état de coma et il n’y a plus d’espoir de les redresser. Donc le droit ne peut devenir plus adapté que s’il permet d’anticiper le traitement des difficultés.

 

S’il faut résumer la réforme par un mot, c’est celui d’anticipation.

 

Pour y parvenir et pour faire en sorte que les débiteurs se préoccupent plus rapidement de trouver un remède à leurs difficultés, l’idée du législateur a été de dédramatiser la procédure collective et de la rendre moins inquiétante. Il s’agit d’inciter les débiteurs à se rendre plus rapidement au tribunal, sans avoir peur de subir les conséquences de la faillite.

 

On assiste à une révolution culturelle. Le droit des procédures collectives cesse d’être un droit contraignant, donnant un pouvoir très étendu au tribunal. Il devient un droit moins judiciaire, plus contractuel et plus abandonné à la liberté du débiteur et de ses créanciers.

 

Pour cela la loi nouvelle encourage le recours à des procédures permettant une intervention plus rapide : le mandat ad hoc, la conciliation et la sauvegarde.

2°) Liquider l’entreprise et assurer la police de la vie des affaires

Malheureusement, le sauvetage de l’entreprise n’est pas toujours possible et un autre but doit parfois être assigné au droit des entreprises en difficulté : organiser la disparition des entreprises non viables en les liquidant. Tel est l’objet de la procédure de liquidation judiciaire.

Enfin, le droit des entreprises doit assurer la répression des comportements fautifs et la réparation des préjudices occasionnés. Longtemps, le but principal de cette matière a été d’assurer la répression, de punir les « faillis », ceux qui ne paient pas leurs dettes et causent ainsi un trouble à la vie des affaires. Ce volet répressif demeure car l’ouverture d’une procédure collective demeure l’occasion de rechercher les responsabilités de cet échec : le débiteur est exposé à des sanctions civiles, professionnelles voire pénales ; quant à ses partenaires, ils peuvent également être inquiétés au titre des fautes qu’ils ont pu commettre et qui ont contribué à créer les difficultés ayant débouché sur l’ouverture de la liquidation judiciaire.

 

B – La variété des outils

 

Il n’est pas inutile de rappeler ce qu’était le droit français avant le 1er janvier 2006 pour mieux comprendre ce qu’il est devenu depuis.

 

1°) Avant la réforme

 

Il existait deux techniques amiables de sauvetage des entreprises en difficulté.L’une, ignorée par la loi et inventée par la pratique, consistait à nommer un mandataire ad hoc, c’est-à-dire un professionnel chargé d’aider le débiteur à négocier un accord avec ses créanciers. Ce dispositif était purement amiable et confidentiel.

 

L’autre était le règlement amiable. Il consistait à obtenir la désignation d’un conciliateur chargé de négocier avec les créanciers. Mais à la différence du mandat ad hoc, cette procédure de règlement amiable n’était pas purement contractuelle, ni purement confidentielle. Le juge pouvait ainsi ordonner la suspension provisoire des poursuites pour faciliter la mission du conciliateur et contraindre les créanciers à négocier. L’accord conclu avec les créanciers pouvait être homologué par le président du tribunal, ce qui pouvait donner à la procédure un tour partiellement judiciaire.

 

Ces techniques de traitement amiable des difficultés n’ont pas connu le succès espéré. Le mandat ad hoc est la seule technique à avoir porté des fruits mais précisément il s’agissait d’une technique ignorée par la loi. A l’inverse, le règlement amiable a été peu utilisé. Les créanciers ne trouvaient aucun intérêt à participer à un tel accord qui pouvait même se révéler risqué. En effet si la procédure amiable échouait et si le débiteur était par la suite soumis à une procédure collective, l’accord de règlement amiable pouvait être annulé (y compris les sûretés accordées au créancier) s’il avait été passé au cours de la période suspecte. Par ailleurs, les créanciers pouvaient voir leur responsabilité engagée pour avoir participé à un accord amiable si le tribunal considérait qu’ils avaient abusivement soutenu leur débiteur. Tout cela n’était guère encourageant et guère propice au succès de cette procédure.

 

2°) Après la réforme

 

a)     de nouvelles procédures s’ajoutant aux procédures traditionnelles

 

Le mandat ad hoc n’a pas été modifié par la loi. A l’inverse, le règlement amiable disparaît et est remplacé par une nouvelle procédure dite de « conciliation ». La plus grande nouveauté apportée par la réforme tient dans l’apparition d’une nouvelle procédure dite procédure de sauvegarde. Il s’agit d’une procédure collective qui présente l’originalité de ne pouvoir être ouverte qu’à l’initiative du débiteur. Le débiteur ne doit pas avoir cessé ses paiements. Le critère de déclenchement de la procédure sont des « difficultés que le débiteur n’est pas en mesure de surmonter, de nature à le conduire à a cessation des paiements ». La sauvegarde ne peut déboucher sur la cession de l’entreprise mais seulement sur l’adoption d’un plan de continuation de l’entreprise.

 

Enfin, la loi a maintenu les traditionnelles procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire. Ce sont des procédures collectives contraignantes que tout débiteur a l’obligation de déclencher lorsqu’il a cessé ses paiements depuis plus de 45 jours. Le redressement judiciaire peut déboucher sur un plan de continuation. Dans ce cas, le débiteur reste  la tête de son entreprise et s’engage à payer son passif sur une période qui ne peut être supérieure à 10 ans. Mais la procédure de redressement judiciaire peut aussi aboutir à un plan de cession. Dans ce cas l’entreprise est vendue à un repreneur et les créanciers sont payés avec le prix de cession. Le débiteur est sacrifié puisqu’il perd son entreprise. Le plus souvent les créanciers sont eux-aussi sacrifiés. Tous ces sacrifices sont imposés au nom du sauvetage de l’entreprise.

 

La liquidation judiciaire est une procédure destinée à organiser la vente de tous les biens du débiteur pour payer les créanciers. Le débiteur est dessaisi et son patrimoine est géré par un liquidateur en attendant que tous ses biens soient vendus.

 

b)    L’attrait des procédures de traitement anticipé des difficultés

 

L’un des axes de la réforme consiste à rendre les procédures d’autant plus attrayantes qu’elles seront anticipées, ce qui n’est aujourd’hui guère le cas avec le règlement amiable et encore moins avec le redressement judiciaire.

 

Le domaine de la conciliation est élargi, en amont et en aval, l’ouverture pouvant être plus précoce (l’entreprise pourra faire état « d’une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible ») mais aussi plus tardive (l’entreprise pourra avoir cessé ses paiements depuis moins de quarante-cinq jours). Le vrai changement est ailleurs. Il a consisté à tout faire pour rendre cette procédure séduisante tant pour le débiteur que pour ses créanciers. Ces derniers peuvent y trouver leur compte, en particulier ceux qui, ayant joué le jeu du sauvetage de l’entreprise au point de lui apporter un nouvel apport en trésorerie ou de lui fournir un nouveau bien ou service en vue d’assurer sa poursuite d’activité, bénéficieront d’un privilège particulièrement attractif. Le dispositif est véritablement incitatif et propre à faciliter la poursuite de l’activité. Les créanciers apprécieront aussi une innovation selon laquelle, « sauf cas de fraude », la date de cessation des paiements « ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L. 611-8 ». La conciliation qui aboutit à un accord homologué présentera ainsi un grand intérêt pour les créanciers, celui de conjurer le risque de voir la période suspecte remonter au-delà de l’homologation de l’accord, avec tous les risques que comporte pour eux un tel report de la date de cessation des paiements. Là encore, la conciliation apparaît parée de toutes les qualités. Quant au débiteur, il peut lui aussi trouver son compte dans cette nouvelle conciliation, tant à raison des remises et délais que lui consentent ses créanciers dans l’accord, qu’à raison du cadeau fait à ses garants par l’article L. 611-10, alinéa 3 in fine, du Code de commerce. Aux termes de ce texte, « Les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué ». La règle a une grande portée car elle vaut pour tous les coobligés et garants, sans distinguer selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale[1]. Si le débiteur espère arracher quelques délais ou remises de dette à ses créanciers, mieux vaut pour lui que cette négociation intervienne dans le cadre d’un accord de conciliation homologué par le tribunal puisque ses garants profiteront des faveurs ainsi obtenues.

 

La même logique se retrouve dans la procédure de sauvegarde. Nouvelle procédure collective, imposant aux créanciers de celui qui en bénéficie de se soumettre à une discipline collective contraignante (obligation de déclarer leurs créances, arrêt des poursuites individuelles, etc.). son originalité tient au fait que, pour la première fois dans notre droit, il s’agit d’une procédure qui peut être déclenchée à la seule initiative du débiteur, avant qu’il ait cessé ses paiements. Inspiré du droit américain (la référence au chapter eleven du Bankruptcy Act est revenue tout au long des débats parlementaires), ce nouveau dispositif destiné « à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » (C. com., art. L. 620-1) rompt définitivement avec un droit de la faillite comminatoire, pour faire de la procédure collective une technique de redressement de l’entreprise, abandonnée à la discrétion de son dirigeant qui n’est plus obligé d’attendre le quasi-coma qui accompagne la cessation des paiements pour bénéficier du traitement de choc que ces procédures autorisent.


 

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