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La responsabilité civile des notaires français et les garanties de la clientèle

Comme tous les agents de l'activité économique, les notaires français sont soumis à une responsabilité civile qui sanctionne l'accomplissement défectueux de leurs obligations professionnelles.


Pour comprendre ce régime de responsabilité, il faut se rappeler le rôle central et très diversifié que les notaires sont appelés à jouer dans la vie sociale et économique. Le notaire assume traditionnellement un rôle de conseiller des familles mais l'activité notariale déborde très largement ce domaine pour s'étendre à une grande partie de l'activité économique.


Cela tient à la fonction d'authentification qui est assignée aux notaires et qui constitue l'élément central de leur activité. Les notaires sont institués pour donner l'authenticité aux actes juridiques, ce qui correspond à une délégation de puissance publique.


L'authenticité peut être définie comme la réunion de qualités particulières de l'acte en matière de preuve et d'exécution, qualités qui sont conférées à l'acte par le fait qu'il est établi par un officier public. Le notaire est en effet un officier public qui reçoit de l'Etat le pouvoir de donner aux actes qu'il dresse force probante et force exécutoire.

Force probante, cela signifie que l'acte notarié est en principe incontestable pour ce qui concerne les constatations qui y sont faites par le notaire. C'est un acte fiable parce que le notaire est considéré, par la loi française, comme un témoin privilégié : ce qu'il doit avoir constaté, dans le domaine de sa compétence, doit être tenu pour vrai.

L'acte authentique bénéficie en outre de la force exécutoire : il permet à lui seul l'exécution forcée de droits qu'il établit. Ainsi, le créancier dont le titre de créance est établi par un acte authentique peut faire exécuter son droit sans avoir à solliciter un jugement pour cela. Cette force exécutoire est particulièrement caractéristique de la délégation de puissance publique dont bénéficie le notaire.

La force probante et la force exécutoire qui s'attachent ainsi aux actes notariés manifestent le rôle très particulier que la loi assigne aux notaires dans le développement de l'activité juridique : ils sont des officiers publics investis d'une fonction de sécurité juridique.

Les actes qu'ils établissent sont des actes sûrs, fiables, qui confèrent des droits inattaquables, ou presque.

Il paraît aller de soi que, dès lors que les notaires sont institués pour garantir la sécurité des opérations juridiques dans lesquelles ils interviennent, ces officiers publics peuvent voir leur responsabilité civile professionnelle engagée lorsque cette attente de sécurité est déçue, lorsque l'acte ne se révèle pas fiable comme il devrait l'être et qu'il en résulte un préjudice pour l'une des parties ou éventuellement même, pour un tiers.

La loi française ne prévoit pas spécialement cette question : il n'existe pas un régime particulier de responsabilité notariale. C'est donc aux principes généraux de la responsabilité civile (article 1382 et suivants du Code civil) qu'il convient de recourir et, plus précisément aux règles de la "responsabilité du fait personnel". Après en avoir donné un aperçu, on précisera les obligations professionnelles qui constituent la caractéristique principale de la fonction des notaires.

Dans un second temps, on examinera le système d'indemnisation de la clientèle lorsque la responsabilité du notaire est engagée. En raison de sa qualité d'officier public, le notaire doit fournir une sécurité absolue à la clientèle. Lorsqu'il commet une faute dans l'exercice de ses fonctions, le client doit avoir la certitude d'obtenir la réparation appropriée.

Ce sont les pouvoirs publics qui ont organisé le régime de garantie des notaires français. Un décret du 20 mai 1955 a institué un mécanisme légal très protecteur qui allie la technique de l'assurance et celle de la solidarité professionnelle. Ce système a par la suite servi de modèle à d'autres professions réglementées. Mais il reste sans équivalent pour l'étendue des garanties accordées.

I – LA RESPONSABILITÉ CIVILE DES NOTAIRES

A – LES PRINCIPES GÉNÉRAUX

Selon le droit commun français, la responsabilité du fait personnel suppose la réunion de trois conditions : la preuve d'une faute commise par celui dont on recherche la responsabilité, la preuve d'un dommage subi par celui qui poursuit le prétendu responsable, et enfin, l'établissement d'un lien de causalité entre la faute et le dommage allégués.

La faute :
Pour obtenir la réparation du dommage qu'il prétend avoir subi du fait du notaire, le demandeur doit établir que celui-ci a commis une faute. Il doit pour cela faire la preuve que l'officier public n'a pas correctement exécuté l'une des obligations qui lui incombent professionnellement.

Peu importe la gravité de la faute : une faute légère emporte la même responsabilité qu'une faute lourde. La seule particularité à relever, de ce point de vue, est qu'une faute intentionnelle – faute commise volontairement pour causer le dommage – fait obstacle au fonctionnement de la garantie d'assurance, ce qui est un tout autre problème.

Le dommage :
Tous les dommages ont vocation à être réparés pourvu que le demandeur en justifie. Et lorsque cette preuve est faite, c'est tout le dommage ainsi établi qui doit être réparé, quelle que doit son importance et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la gravité de la faute.

Pour être réparable, le préjudice, quelle que soit sa forme, doit être certain : il faut démontrer que la diminution du patrimoine de celui qui se plaint, ou la privation d'un enrichissement, est définitif. Il faut aussi que le préjudice soit direct, ce qui concerne en réalité la question du lien de causalité.

Le lien de causalité :
Le principe est que l'auteur d'une faute ne peut être tenu de réparer que le dommage qui a été effectivement causé par cette faute. L'appréciation de l'existence d'un tel lien de causalité est souvent difficile. Elle reste assez largement marquée par la subjectivité et il serait assez vain de s'attarder à cet aspect du problème.

Il est, en revanche, deux aspects de cette question de causalité qui méritent attention.

L'un et l'autre se rattachent à une circonstance particulière : à savoir que le dommage dont la réparation est demandée apparaît comme la conséquence de fautes qui ont été commises par plusieurs personnes. Par exemple, l'acheteur d'un immeuble constate que l'immeuble qu'il a acquis comme libre de toute charge est en réalité affecté d'une servitude qui en diminue la valeur, ce qui résulte d'une faute du notaire, qui n'a pas fait les vérifications nécessaires mais aussi d'une faute du vendeur, qui a caché l'existence de la servitude.

Le premier point à souligner est que la circonstance que d'autres fautes que celle du notaire se trouvent à l'origine du dommage n'impose pas à la victime de demander la réparation d'abord aux autres auteurs de fautes – au vendeur, dans l'exemple. La victime a le droit de choisir celui qui lui convient le mieux, ce qui, il est vrai, désigne souvent le notaire parce qu'il est obligatoirement assuré et bien assuré. Cette solution montre que la responsabilité du notaire n'est pas subsidiaire. Ce n'est pas une garantie qui n'aurait lieu de jouer que lorsqu'il n'existe pas d'autre solution de réparation du préjudice.

Le second point à relever est la suite logique et nécessaire de ce qui vient d'être dit. Dans de tels cas de concours de fautes, celui à qui la victime a demandé son indemnisation bénéficie ensuite d'un recours contre les autres coupables. Dans l'exemple, le notaire, après avoir indemnisé son client – acheteur de l'immeuble grevé de servitude – peut réclamer au vendeur la part qui lui incombe dans la production du dommage indemnisé. C'est le juge qui apprécie alors selon quelles proportions le poids de la réparation doit être réparti entre les deux auteurs de fautes.

Il arrive d'ailleurs que la victime ait elle-même commis une faute qui a contribué, avec celle du notaire, à la production de son dommage : par exemple parce qu'elle s'était imprudemment engagée dans une opération dangereuse. Cette faute est évidemment prise en considération de sorte que la victime ne peut plus réclamer, en principe, qu'une réparation partielle de son préjudice. A la limite, si la victime a commis une faute intentionnelle, le notaire peut être déchargé de toute responsabilité, la faute de la victime apparaissant alors comme la cause exclusive de son dommage.

Il reste à remarquer que dans ses rapports avec ses clients, le notaire ne peut pas convenir de s'exonérer en tout ou en partie de sa responsabilité. La jurisprudence n'admet pas la validité des clauses de non-responsabilité ou limitative de responsabilité. La raison en est que l'activité notariale relève de l'ordre public et qu'elle ne peut, de ce fait, être modelée par la convention des parties. De cela on va retrouver la marque dans la description des obligations professionnelles qui fondent à titre principal la responsabilité des notaires.

B – LES OBLIGATIONS PROFESSIONNELLES CARACTÉRISTIQUES DE LA FONCTION NOTARIALE

La première de ces obligations est le reflet direct de l'objet même de la fonction notariale. On parle de devoir d'authentification pour exprimer l'obligation d'efficacité qui, avec quelques autres obligations plus spéciales, sous-tend l'authenticité. La seconde obligation est un complément nécessaire de la première : le devoir de conseil.

Le devoir d'authentification :
Institués pour établir des actes qui présente des qualités particulières – les actes authentiques ayant force probante et force exécutoire – les notaires sont tenus d'observer diverses règles, de forme notamment, qui conditionnent cette authenticité. Leur responsabilité peut se trouver engagée pour avoir mal observé ces règles et avoir privé l'acte des vertus de l'authenticité.

En outre, la jurisprudence a dégagé à la charge des notaires une exigence générale d'efficacité qui s'applique à tous les actes qui sont dressés par les notaires, actes authentiques, bien sûr, mais aussi, le cas échéant, actes sous seing privé. Cela se traduit, dans les décisions judiciaires – notamment celles de la Cour de cassation – par des
formules telles que : "le notaire, en tant que rédacteur de l'acte, est tenu de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer l'efficacité".

Ce qui est alors en cause, c'est l'efficacité intrinsèque de l'acte, l'efficacité de la convention qui a été voulue par les parties : il faut que la vente opère effectivement le transfert de la propriété du bien vendu du vendeur à l'acheteur, il faut que l'hypothèque constituée apporte une garantie juridiquement valable et efficace au créancier qui en bénéficie…

Cela suppose que le notaire soit un bon juriste, qui a bénéficié d'une bonne formation initiale et qui se tient régulièrement au courant de l'évolution du droit, et donc des lois nouvelles et de la jurisprudence.

Plus concrètement, cette exigence d'efficacité signifie aussi que le notaire se trouve soumis à une obligation d'investigation adaptée à l'acte qu'il lui est demandé d'établir. Cela déborde largement la simple connaissance du droit pour s'étendre à la maîtrise de son application. : le notaire doit ainsi, par exemple, contrôler l'identité des contractants
dont il constate la convention, il doit s'assurer qu'ils ont bien la capacité de contracter et vérifier qu'ils sont effectivement titulaires des droits dont ils prétendent disposer etc…

 

Ces exigences comportent toutefois des limites : le notaire n'est tenu pour responsable du seul fait que le contrat pour lequel il est intervenu a échoué. Il faut qu'il lui ait été possible d'éviter cet échec. On rejoint là un autre aspect essentiel de la fonction notariale, le devoir de conseil.

Le devoir de conseil :
Ce devoir de conseil n'est pas un simple complément de l'obligation d'efficacité. Il est en réalité une composante active de celle-ci. C'est une obligation qui pèse sur le notaire depuis le moment où il a été requis d'intervenir par son client jusqu'à l'achèvement de son intervention. L'officier public doit, à ce titre, d'abord, proposer, en fonction des indications que lui fournit son client ou du projet souhaité par celui-ci, les actes qui sont propres à satisfaire ses besoins. Il lui revient, aussi, de l'éclairer quant aux différents effets que les actes qu'il établit doivent produire et, le cas échéant, lui en indiquer les limites et les insuffisances.

La substance de ces conseils est, bien sûr, fondamentalement juridique : le notaire doit indiquer les techniques juridiques propres à résoudre le problème posé. Il doit informer sur ce que permet la loi et ce qu'elle interdit et, le cas échéant, il doit refuser son ministère si l'opération voulue par les parties est illicite.

Mais le conseil attendu du notaire ne se réduit pas à la seule technique juridique. Il entre dans la mission de cet officier public de faire permettre des choix d'opportunité. S'il s'agit d'établir les structures juridiques d'une entreprise, il doit éclairer son client sur les différentes formes de société qui peuvent être adoptées et sur leurs avantages et inconvénients respectifs. L'appréciation des incidences fiscales de la solution juridique adoptée est également un élément d'information important que le notaire doit à son client.

 

Cette appréciation d'opportunité inclut celle des risques qui peuvent être liés à l'opération envisagée. C'est ainsi que, s'il existe une incertitude concernant le sens d'une disposition légale applicable à l'opération pour laquelle il intervient et que cette incertitude peut affecter les effets de l'acte, il doit attirer l'attention des parties sur cette difficulté. On voit ici que l'appréciation d'opportunité tend à déborder le cadre purement juridique pour s'élargir au champ économique.

Le devoir de conseil apparaît ainsi comme une obligation d'une très large portée. Il
convient alors de préciser que ce conseil est dû par le notaire à tous ses clients. Il n'y a
pas de distinction à faire à cet égard entre les clients habituels et les clients occasionnels.
Il n'y a pas davantage à distinguer selon que le client est ou non lui-même un juriste, ou
encore selon qu'il bénéficie de l'assistance d'une tierce personne, par exemple un avocat.
Le notaire reste dans tous les cas tenu du même devoir de conseil.

Toutefois, cette compétence personnelle du client, ou cette assistance apportée par un tiers, selon le cas, ne sont pas dépourvues de conséquences. Lorsque le client qui demande au notaire une indemnisation pour manquement au devoir de conseil est par luimême compétent, le notaire pourra éventuellement faire valoir que ce client a lui-même commis une faute – négligence ou imprudence – de nature à diminuer son droit à réparation. Et dans le cas où le client a bénéficié de l'assistance d'un tiers conseiller, le notaire, condamné à indemniser ce client pourra invoquer la faute de ce tiers pour lui réclamer le remboursement d'une part de l'indemnité payée.

Il reste à observer que, dans le procès en responsabilité pour défaut de conseil qu'il engage contre son notaire, le client est, par dérogation au principe général, dispensé de faire la preuve de cette omission. C'est à l'officier public qu'il revient de prouver qu'il a donné le conseil requis. Il peut, à cette fin, introduire dans l'acte qu'il établit des mentions, attirant l'attention des parties sur telle ou telle difficulté ou telle ou telle incertitude, par exemple, qui lui permettront ensuite, en cas de besoin, de prouver que le conseil a bien été donné.

II – LES GARANTIES DE LA CLIENTÈLE

L'étendue de la responsabilité du notaire français conduit inévitablement à poser la question de l'indemnisation de la clientèle.

Le notaire étant chargé de l’exercice d’un service public et soumis à la tutelle du ministre de la justice on aurait pu imaginer que l'action de la victime soit introduite contre l'autorité publique responsable et que son indemnisation soit assurée par la collectivité publique. Ce n'est pas la voie adoptée par le système français. Le notaire est aussi un professionnel libéral, il a une parfaite autonomie tant pour la gestion matérielle de son office que pour les décisions à prendre dans l'exercice de sa fonction. Il assume les risques de l'exploitation et, par suite, répond personnellement des fautes qu'il commet. Il engage son patrimoine propre pour les dommages qu'il a pu causer à ses clients.

Les pouvoirs publics ont cependant voulu organiser la garantie de la clientèle afin que celle-ci ait la certitude d'obtenir réparation lorsqu'elle subit un préjudice. Le système légal comporte deux niveaux.

Le premier niveau est constitué par une assurance responsabilité civile, qui présente la particularité essentielle d’être obligatoire. La garantie accordée par cette assurance est pour le reste classique, elle est soumise aux règles de droit commun.

Le second niveau est constitué par une institution propre à la profession notariale : la garantie collective, qui vient en renfort de l’assurance responsabilité civile. Un contrat d’assurance contient toujours en effet des exclusions de garantie, dont certaines sont légales, et il comporte des plafonds de garantie. Par ailleurs, il convenait de garantir les fonds que les notaires détiennent pour le compte de leurs clients. C’est l’objet de la garantie collective de couvrir ces risques.

La réparation intervient immédiatement si la responsabilité du notaire n'est pas contestée. Les organismes de garantie se mettent en oeuvre selon des procédures propres à chacun, mais en pratique très simplifiées. La réparation est en outre intégrale, elle correspond au dommage dans sa totalité. Une participation financière peut éventuellement exister, mais elle est supportée par le notaire, jamais par le client.

Mais la faute invoquée par le client peut aussi être contestable, ou celui-ci peut invoquer un préjudice sans commune mesure avec la réalité. Dans cette hypothèse, c'est le tribunal qui tranchera la difficulté et qui déterminera si la réparation est due et son exacte mesure.

On peut dire, très grossièrement, que c'est la gravité de la faute commise qui détermine quel système de garantie va jouer. Les fautes les plus courantes, qui n'impliquent pas une infraction aux règles de la profession, sont garanties par l'assurance responsabilité civile. Les fautes les plus graves, les plus lourdes, qui dénotent un manquement flagrant aux obligations qui s'imposent à un officier public, sont garanties par la garantie collective.

 

A - L'ASSURANCE RESPONSABILITÉ CIVILE

En vertu de l'article 13 du décret du 20 mai 1955, chaque notaire est tenu d'assurer sa responsabilité professionnelle. Ce fut l’une des premières assurances obligatoires, comme il en existe maintenant pour un certain nombre d'autres professions.

Le risque garanti :
Le contrat garantit le notaire contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu'il peut encourir dans l'exercice de ses fonctions en raison de son fait, de sa faute ou de sa négligence, ou du fait, de la faute ou de la négligence de son personnel.

Bien entendu, les sociétés professionnelles notariales sont garanties dans les mêmes conditions que le notaire individuel et également à titre obligatoire.

L'assurance de responsabilité présente deux aspects : elle est une garantie pour l'assuré, qui sait que l'assureur se substituera à lui pour régler, dans les limites fixées par le contrat, l'indemnisation due à la victime. Elle est aussi une garantie pour la victime qui aura nécessairement en face d'elle un responsable solvable. Ce second aspect est primordial, et c'est celui que les rédacteurs du décret du 20 mai 1955 ont eu surtout à l'esprit quand ils ont institué l'assurance obligatoire : l'objectif est de procurer une parfaite sécurité à ceux qui s'adressent à des professionnels officiers publics.

L'indemnité d'assurance versée à la victime doit permettre d'effacer les conséquences du dommage. Les assurances de responsabilité sont en effet dominées par le principe de réparation intégrale du préjudice subi par la victime.

L'assurance de responsabilité couvre l'ensemble de l'activité du notaire, dès lors que l'opération en cause est liée à l'exercice de la profession et n'est pas interdite par la réglementation en vigueur. La garantie ne se limite donc pas aux seules activités réservées au notaire (dites de compétence exclusive), mais s'étend aux activités qui peuvent aussi être exercées par d'autres professions (vente de fonds de commerce, négociation immobilière). Le notaire est garanti qu'il agisse comme authentificateur d'acte ou comme conseil.

Le contrat d'assurances comprend certaines exclusions de garanties, qui peuvent être conventionnelles ou légales. Ces exclusions sont les suivantes :

- Opérations interdites :
Le contrat d'assurance exclut la garantie des opérations qui sont interdites au notaire par les textes légaux et réglementaires relatifs au statut du notariat. Cela vise les opérations qui sont spécifiquement interdites au notaire par les textes réglementant la profession.

Les opérations interdites au notaire sont énumérées par les articles 13 et 14 du décret du 19 décembre 1945. Pour l'essentiel, il s'agit des opérations de bourse, de commerce, de banque, de courtage, de spéculation immobilière. Il ne doit pas non plus s'immiscer dans l'administration d'une société ou d'une entreprise, prendre un intérêt dans une affaire pour laquelle il intervient, utiliser les fonds qui lui sont confiés à un usage autre que celui prévu, ou les placer en son nom personnel, ou sans que soit établi un acte authentique.

- Faute intentionnelle ou dolosive :
Cette exclusion est légale et d'ordre public. Elle est prévue par le Code des assurances. Les sinistres provoqués intentionnellement par l'assuré ou ceux résultant de sa participation à un crime ou à un délit intentionnel ne sont pas garantis.

La notion de faute intentionnelle a donné lieu à beaucoup de discussions. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, elle est caractérisée par la volonté de réaliser le risque, de provoquer le sinistre : l'événement qui déclenche le sinistre a été voulu, en pleine connaissance de cause et avec la conscience et la recherche chez l'assuré des conséquences de son comportement. Il ne suffit pas que l'assuré ait consciemment accompli la faute qui est à l'origine du dommage, s'il n'a pas voulu le dommage lui-même.

 

- Faute pénale :
Les sinistres résultant de la participation d'un notaire à un crime ou un délit intentionnel ne sont pas garantis. Cette exclusion rejoint celle de la faute intentionnelle.

Le montant de la garantie :
Un arrêté du 28 mai 1956 fixe le montant de la garantie minimum. En pratique, le contratd'assurance prévoit une garantie très supérieure à ce minimum.

Dans le contrat national en cours, la garantie est fixée à la somme de 30.000.000 € par sinistre. Le sinistre est constitué par la réclamation du client. Un même notaire peut avoir plusieurs réclamations dans la même année. Il n'existe pas de plafond de garantie par an ou pour la durée du contrat, concernant l'ensemble du contrat ou chaque notaire assuré. Les conseils régionaux ont la possibilité de porter le montant de la garantie à une somme supérieure.

Le décret du 20 mai 1955 prévoit que le notaire garde à sa charge, de façon obligatoire, une partie de l'indemnité versée au client. Cette participation est d'1/10ème au moins du montant de l'indemnisation, avec un plafond de 7.700€ par sinistre. La participation à la charge du notaire assuré a pour objectif de l'inciter à la prudence dans l'exercice de son activité et de prévenir ainsi la multiplication des sinistres. C'est la raison pour laquelle cette participation ne peut pas être supprimée même d'un commun accord avec l'assureur.

La participation ne concerne que les relations du notaire avec l'assureur : le client est totalement indemnisé par l'assureur.

Le fonctionnement du contrat d'assurance :
C'est la réclamation de la victime qui va déclencher la mise en oeuvre du contrat d'assurance. Toutes les réclamations écrites formulées à l'amiable ou judiciairement auprès du notaire pendant que le contrat est en cours rentrent dans la garantie. Ainsi, le contrat garantit les fautes antérieures à sa conclusion, dès lors que la réclamation du client intervient pendant la période de garantie.

Le notaire qui a cessé ses fonctions continue à être garanti par les contrats successifs. Lorsque le notaire assuré reçoit une réclamation d'un client, il doit la transmettre dans un bref délai à la compagnie d'assurances, avec le visa de sa chambre départementale. Son dossier sera examiné par la compagnie d'assurances en association avec des organismes mis en place par la profession notariale pour contrôler le bon fonctionnement du contrat. Dans la mesure du possible, un accord est recherché avec le client pour parvenir à une solution amiable.

Si le client assigne le notaire devant un tribunal, l'assureur assume la défense de son assuré et dirige le procès, toujours en association avec la profession notariale. Si le notaire refuse de déclarer à l'assureur la réclamation du client, ou s'il néglige de le faire, le client peut s'adresser directement à la compagnie d'assurances pour obtenir réparation de son préjudice.

La souscription du contrat d'assurance :
Le contrat d'assurance a toujours été négocié au niveau des organismes professionnels. Il offre ainsi les mêmes garanties pour l'ensemble des notaires du territoire. La répartition du risque sur l'ensemble des notaires permet d'obtenir, grâce à la dispersion de l'aléa, des montants de garantie exceptionnels. Une loi du 11 février 2004 a consacré le principe du contrat national en décidant que la responsabilité professionnelle des notaires est garantie par un contrat d'assurance souscrit par le Conseil supérieur du notariat.

Le contrat est souscrit pour une période de trois ans. La cotisation annuelle que doit acquitter chaque notaire pour assurer sa responsabilité est calculée sur ses produits bruts. Son taux actuel est de 1,55 %.

Comme pour l'ensemble des professions juridiques ou libérales, le risque constitué par la responsabilité professionnelle de notaires est en augmentation régulière. Les causes en sont nombreuses, et il est difficile d'agir efficacement contre une tendance qui constitue un véritable phénomène de société. On a quelquefois soutenu que l'assurance responsabilité obligatoire entraînait par elle-même une augmentation du risque. L'observation a certainement une part de vérité : le tribunal hésitera moins à prononcer une condamnation s'il sait qu'elle sera en définitive supportée non pas par le professionnel mais par sa compagnie d'assurances.

B - LA GARANTIE COLLECTIVE
La nécessité d'assurer l'entière sécurité à tous ceux qui s'adressent à un notaire a provoqué un dépassement de la responsabilité individuelle et la mise en place d'une responsabilité collective. La garantie collective intervient au bénéfice du client lorsque le contrat d'assurance responsabilité civile ne joue pas.

La responsabilité collective s'appuie sur une organisation professionnelle cohérente possédant des pouvoirs étendus. Dans chaque ressort de cour d’appel existe une caisse régionale de garantie, présidée par le président du conseil régional. Cette caisse a la personnalité civile et est spécialement chargée des relations avec les réclamants et de la gestion des dossiers.

Il existe aussi une Caisse centrale de garantie de la responsabilité professionnelle des notaires, dont le siège est à Paris. Elle est sous le contrôle du Conseil supérieur du notariat. Elle a également la personnalité civile. La mission de la Caisse centrale, en vertu des textes, est de contrôler et coordonner le fonctionnement des caisses régionales. Elle est chargée de fixer la politique générale de la garantie collective à l’égard des réclamants. Elle fournit aussi aux caisses régionales les sommes nécessaires aux règlements, puisqu’elle centralise les ressources financières.

Considérés comme des établissements d’utilité publique, la Caisse centrale et les caisses régionales sont placées sous le contrôle du ministre de la justice et des parquets généraux.

Domaine de la garantie :
La garantie collective garantit en premier lieu les fonds que les clients remettent au notaire. Ces fonds représentent des sommes considérables et il serait inconcevable que le client subisse les conséquences d'une mauvaise gestion,  voire de la malhonnêteté.

Elle couvre en second lieu les conséquences de la responsabilité civile. La responsabilité étant obligatoirement assurée, la garantie collective intervient dans les dossiers où il y a exclusion de la garantie du contrat d'assurance. Les principales exclusions de garantie ont déjà été examinées.

La garantie collective intervient aussi lorsque le montant de la garantie du contrat d’assurance est dépassé : le client doit là encore être totalement indemnisé.

La garantie collective a une limite : l'exercice normal des fonctions notariales. Elle ne couvre que les clients qui se sont adressés au notaire dans l'exercice de ses fonctions et pour l'exercice de ses fonctions. Cette limite peut susciter quelques difficultés d'application. Elle a dû être précisée par la jurisprudence.

Mise en oeuvre de la garantie :
La mise en oeuvre de la garantie collective est d'une grande simplicité pour le client, puisqu'il lui suffit d'adresser une lettre recommandée à la fois au notaire concerné et à la caisse régionale dont il dépend.

L'indemnisation du client intervient dès lors que sa créance est justifiée et que le notaire ne fait pas face à son obligation dans un délai d’un mois. Selon les termes du texte, le notaire est alors réputé défaillant.

Dès lors que la défaillance du notaire a été établie et que la créance du client a été reconnue, la garantie de la caisse régionale joue quelque soit le montant de la somme due, c'est-à-dire sans plafond de garantie.

La caisse régionale qui a payé un client dispose d'un recours contre le notaire responsable pour récupérer sur le patrimoine de celui-ci la totalité de l'indemnité versée. C’est une différence importante avec le contrat d’assurance responsabilité civile : celui-ci bénéficie non seulement au client, mais encore au notaire responsable, qui ne doit payer
qu’une participation réduite.

Financement de la garantie collective :
Le financement de la garantie collective provient à la fois d'une cotisation d'entrée en fonctions et d'une cotisation annuelle payée par les études.

La cotisation d’entrée en fonction est payée par chaque notaire au moment où il prête serment. Elle est calculée sur les produits bruts moyens de l’étude les années précédentes, avec un taux de 1 %. Les sociétés professionnelles sont tenues à la même obligation. Cette cotisation a la nature d’une caution. Elle est remboursée à la cessation des fonctions si la garantie collective n’a pas eu à intervenir.

La cotisation annuelle est calculée également sur les produits bruts de chaque étude. Son taux est fixé par un arrêté du ministre de la justice pris en début d'année, après avis motivé du conseil d'administration de la Caisse centrale de garantie. Le taux actuel est de 0,27 %.

L'essentiel des ressources est centralisé à la Caisse centrale de garantie, qui constitue l'organisme financier du système. Les fonds sont mis à la disposition des caisses régionales en fonction de leurs besoins. C'est bien une solidarité nationale qui est ainsi mise en place par les textes.

L'assurance responsabilité civile et la garantie collective constituent un ensemble qui procure à toute personne s'adressant à un notaire une protection sûre et efficace, unique en son genre. Cette organisation représente bien sûr un coût pour le notariat, mais elle démontre sa capacité à mettre en oeuvre une solidarité nationale auprès de ses membres et à faire face à ses responsabilités vis-à-vis de la clientèle des études.


 

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